Musée du Jeu de Paume, exposition Eli Lotar, printemps 2017 |
La photographie française de l’entre-deux-guerres compte un grand
nombre d’artistes. Des expositions temporaires permettent, peu à peu, de mieux
connaître ces personnalités, souvent fortes. Laure Albin Guillot, en 2013, au
Jeu de Paume, Pierre Jahan, en 2014-2015 au Musée d’art et d’histoire de
Saint-Denis, Emile Savitry, en 2016, au musée Mendjisky, sont quelques exemples
qui ont montré le talent de ces créateurs. D’autres, plus ou moins célèbres,
plus ou moins exposés, peuvent espérer un jour une « renaissance ».
On pense, pour les femmes, à Rogi André, Ergy Landau, Denise Bellon, Ylla, Nora
Dumas, Germaine Krull, pour les hommes à André Papillon, Emeric Feher, Pierre
Verger, Pierre Boucher, André Steiner, Lucien Hervé, René Zuber… sans oublier l’un des plus
grands photographes du XXe siècle, Emmanuel Sougez, dont on se
désespère de voir un jour une exposition, au Centre Pompidou, au Jeu de Paume, ou
au musée Rodin (il fit tout un travail sur le sculpteur), par exemple. En
attendant Sougez, voyons Lotar…
Exposition Eli Lotar, Musée du Jeu de Paume, Paris |
Parmi les images que la galerie SR possède de certains de
ces photographes précités, elle en détient une, d’Eli Lotar, que le musée du Jeu
de Paume met à l’honneur du 14 février au 28 mai 2017.
Né en 1905, mort en 1969, cet artiste d’origine roumaine, également
auteur de films documentaires, s’est installé à Paris à l’âge de dix-neuf ans.
Vite intégré dans ce que l’on nomme l’avant-garde, il expose dès 1929 aux côtés
de Germaine Krull, Man Ray et André Kertész. Ses amis sont autant ses pairs que
des cinéastes, comme Joris Ivens ou Luis Buñuel, des écrivains, comme Roger
Vitrac ou Antonin Arthaud, ou des artistes, comme Alberto Giacometti. Eli Lotar
sera le dernier modèle du sculpteur (vers 1964-1965), le photographe laissant,
de son côté, des représentations de son façonnier.
Proche de la photographe allemande Germaine Krull, dont il
fut l’apprenti, l’assistant, et le compagnon, Lotar publia dans des revues
comme Arts et métiers graphiques, ou
encore Vu.
Y a-t-il, comme pour Doisneau, Lartigue ou Sougez, un style
Lotar, un monde Lotar, un grain Lotar ? Difficile à dire. A Paris, la
photographie moderniste de Lotar eut souvent comme sujet le paysage urbain et
industriel. Humaniste, engagé, c’est aussi un Paris populaire, voire misérable,
qu’il représente. Parfois – c’est l’époque – il regarde du côté du Surréalisme.
Il s’intéresse, enfin, à des thèmes précis, comme les abattoirs de la Villette,
la Foire de Paris, les artistes du Moulin Rouge…
Au Moulin Rouge : les Blackbirds (1929) |
L’insolite, le curieux, sont également contenus dans son
œuvre. La galerie SR détient une épreuve de cette veine-là. Intitulée Les Boucs, elle représente de drôles
d’animaux, à l’épaisse fourrure, agiles sur des rochers pentus. Eli Lotar prit
cette image en 1935, à l’occasion d’un voyage en Grèce. Un exemplaire, signé au
crayon par l’artiste, appartient à la galerie, tandis qu’un autre tirage, non
signé, présenté à l’exposition du Jeu de Paume, figure dans les collections du
Centre Pompidou.
Eli Lotar, Les Boucs, 1935 (collection Galerie SR) |
Eli Lotar, Les Boucs, 1935 (collection Centre Pompidou) |
Souvent, les photographes célèbres ont une image emblématique
qui les identifie pour toujours. Celle de Lotar, que l’on peut voir immensément
agrandie à l’entrée de l’exposition du Jeu de Paume, représente un homme, en
manteau et chapeau, qui court, affolé par le spectacle qui se déroule derrière
lui : un geyser en irruption, qui crache de la terre et de la poussière à
plusieurs dizaines de mètres du sol.
Eli Lotar, Travaux d'assèchement du Zuiderzee, 1930 (Musée Matisse, Le Cateau-Cambrésis) |
Le lieu, hormis ce cratère, est désert. Le
sol est aride et plat à l’infini. L’homme seul, étrangement élégant en cet
endroit, s’enfuit, redoutant d’être la proie de cette vision, qui pourrait être
celle d’un rêve cauchemardesque. L’image, datée 1930, s’intitule Travaux d’assèchement du Zuiderzee. Elle
peut prêter à dissertation. Elle aurait pu inspirer Hitchcock.
Il est loin d’être le plus connu, peut-être pas le plus
génial non plus, mais une visite au Jeu de Paume, dans le jardin des Tuileries, permet de se confronter à un
regard engagé (commissaires de l’exposition Damarice Amao, Clément Chéroux et
Pia Viewing, auteurs également des
textes du catalogue).
La Grande Roue, vue du Jeu de Paume |
Galerie SR
16, rue de Tocqueville
75017 Paris
01 40 54 90 17
Votre "Bouc" est plus beau que celui du Centre Pompidou : qu'on se le dise !
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