samedi 27 juin 2015

Mathieu Verdilhan : original et singulier

       La Galerie SR présente quelques œuvres du peintre Mathieu Verdilhan (de son vrai nom Louis-Mathieu Verdilhan), dont nous reproduisons ci-dessous une aquarelle.


Mathieu Verdihan, Cuirassés du port de Toulon, aquarelle


      Né à Saint-Gilles-du-Gard en 1875, son destin est surtout attaché à la ville de Marseille où il vécut de 1877 jusqu’à sa mort, en 1928. Entre temps, l’artiste aura également habité dans plusieurs villes du Midi (Allauch, Aix-en-Provence, Cassis, Toulon…), mais également à Paris où, dès 1895, il s’installe pendant un an. Sachant qu’il est très difficile de percer sans l’aval de la capitale, il aura souvent par la suite une adresse à Paris, mais toujours couplée avec une autre adresse, provençale celle-là, qui montre bien son attachement irréductible à sa région natale. Paris lui permettra de se lier avec quelques grands créateurs, comme Antoine Bourdelle – qui soutint son travail –, mais aussi d’exposer dans des galeries en vue, en compagnie d’artistes de renom. Deux exemples : en 1909, chez Bernheim, aux côtés de Cross, Signac, Vallotton, Bonnard et Vuillard ; en 1923, chez Bernheim jeune, en compagnie de Pascin, Picasso, Severini, Signac, Survage, Utrillo, Valadon, Valtat, Van Dongen, Vlaminck, Vuillard et Waroquier. S’il fallait ancrer l’artiste dans une « école », ce serait celle des peintres fauves du Midi. Et s’il fallait, sur une photographie, le placer à un rang, c’est aux côtés des Charles Camoin, Auguste Chabaud, Alfred Lombard et René Seyssaud qu’il conviendrait de l’installer, face à l’objectif.

      Son principal biographe, Daniel Chol, relève dans son ouvrage publié en 2005 aux Éditions Chol que « La peinture de Mathieu Verdilhan s’enracine dans le terroir comme le fera l’écriture de Giono ; saine, naturelle, dépouillée dans son alerte puissante, elle est intemporelle, avec ses marins et ses paysans plombés d’un cerne noir comme les saints des vitraux des églises, ces nefs stables et sécurisantes d’un moyen âge secoué par les fléaux et les invasions migratoires. Giono, avec Albin, le héros d’Un de Baumugnes, sera lui aussi en parfaite communion avec cette âme populaire sans fard, avec cette inspiration née de la terre, cette philosophie païenne de la vie et de la mort pleine d’empathie panthéiste et cosmique. » D’autres artistes ont utilisé un cerne noir, comme Marquet ou Rouault, qui, comme Mathieu Verdilhan, dans ses peintures notamment, se sont servis de cette technique qui valorise, par contraste, les teintes éclatantes posées par ailleurs. 

      Dans le catalogue de son exposition L’Ecole marseillaise, Jean-Paul Monery, conservateur du musée de l’Annonciade, à Saint-Tropez, écrit en 2013 à propos de Mathieu Verdilhan que « le port de Marseille est très souvent représenté avec dépouillement dans un style très personnel où diagonales et verticales rythment la composition ».

      Même s’il s’agit plutôt, dans l’aquarelle reproduite ici, de cuirassés du port de Toulon, les termes « dépouillement » et « style très personnel » s’appliquent parfaitement à cette œuvre. Nous ajouterions juste le mot originalité qui est souvent la marque de ce peintre. Il fallait quand même oser, vers 1915, styliser à l’extrême ces bateaux, pour en faire, par l’épure, des sortes de jouets d’enfants. Il fallait être un peu moderne – nous n’irons pas jusqu’à employer le terme d’avant-garde – pour simplifier à l’extrême ces collines, qui ne tiennent que par le support de la couleur, et pas n’importe quelles couleurs : un ocre clair, un ocre marron, et surtout un bleu turquoise qui domine le lieu et donne un tour incroyablement original à cette aquarelle. Enfin, assez unique également est cette manière, ultra personnelle, de traiter la mer, verte, et le ciel, bleu, par hachures verticales savamment posées sur le papier – et avec légèreté. La composition, qui semble un peu enfantine, est en réalité savamment construite par l’artiste, qui offre là quelque chose de véritablement singulier. 

      Si nous élargissions, mais réduisions aussi peut-être un peu la portée de l’artiste, nous pourrions le comparer à un peintre breton, un peu plus jeune que lui, nommé Pierre de Belay (1890-1947). On retrouve chez le peintre de Quimper ce même cerne noir, ces mêmes sujets portuaires, mais avec plus de modernité, d’audace et de personnalité chez Mathieu Verdilhan. Cependant, une exposition présentant conjointement ces deux artistes ne manquerait sans doute pas d’intérêt. Ce serait une occasion de faire se rencontrer, un temps,les ports du Midi avec ceux de Bretagne, à travers deux peintres fidèles à leurs origines, mais dont l’art dépasse les points d’amarrage de chacun. Avis aux amateurs !






Galerie SR
16, rue de Tocqueville
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