samedi 30 novembre 2013

A Paris, Miquel Barceló éblouit son auditoire, à l'Instituto Cervantes


La Galerie SR n’expose pas sur ses cimaises d’œuvres du peintre espagnol Miquel Barceló. Elle le regrette beaucoup ! Après Sorolla, Solana, Picasso, Dalí, Miró, Saura, Tàpies… il est aujourd’hui l’exemple vivant de ce que l’Espagne continue de donner au monde entier : un peintre qui marque l’histoire de l’art. Il y a aussi, chez Barceló, ce désir de  renouvellement permanent, et de recherche, jusque dans les différentes techniques utilisées. Quand tant d’artistes sont restés figés dans une structure définie, si belle soit-elle (Atlan, Poliakoff, Estève, Goetz…), parfois même dans une couleur fétiche – le noir, par exemple, pour Soulages – n’est-il pas plus difficile, et périlleux, de se remettre continuellement en question ? La pratique de l’art ne doit-elle pas être aussi un jeu, dont il ne faut pas hésiter à battre souvent les cartes ? C’est du moins ce que semble penser Miquel Barceló.

Miquel Barceló à l'Instituto Cervantes, Paris, 2013


A Paris, le 26 novembre 2013, une fois de plus, mais peut-être plus encore que d’habitude, l’Instituto Cervantes, rue Quentin Bauchart, a créé l’événement. Son directeur, l’excellentissime Juan Manuel Bonet, avait préparé une soirée autour de Miquel Barceló, en présence de l’artiste lui-même. Un bon documentaire (Barceló, el retrato de Dore Ashton), réalisé par Eusebio Lázaro, nous a permis de percer un peu l’intimité créatrice du peintre que l’on voit évoluer dans son atelier parisien, notamment face à son chevalet, en train de réaliser le portrait d’une visiteuse-amie, historienne d'art de son état. Tout en dégageant, un peu à la Soutine, les traits marqués de ce visage sans âge, dont on aimerait connaître la composition du bleu des yeux, Barceló discute à bâtons rompus avec cette femme. Tout se mélange dans cette forme de rencontre informelle, les langues – l’espagnol, l’anglais, le français – comme les créateurs, Kokoschka, Céline, Fontana, Modiano… Au final, le portrait est superbe.



Puis, une fois le film achevé, quelque trente minutes plus tard, Juan Manuel Bonet et Miquel Barceló se sont livrés, sur la scène de l’auditorium de l’Instituto Cervantes, à des échanges portant sur la vie, l’œuvre, les goûts et les humeurs du peintre espagnol, intelligemment suggérés par les mots d’un abécédaire touchant l’artiste : A comme Afrique ou Augiéras, B comme Basquiat ou Bowles… Ce « dictionnaire Barceló », égrené par Juan Manuel Bonet, aura permis aussi de s’arrêter sur Céramique, la Divine Comédie, Guibert, Miró, Peinture, Photographie (« il y a des périodes de ma vie où je n’ai pas de photos de moi, à présent il en existe des milliers, souvent même avec des gens que je ne connais pas », Picasso, Politique (« On s’en fout », répondra l’artiste, laconiquement), Prix (« même réponse que pour politique ! »), Renoir, Sculpture, Tàpies, Tauromachie, Twombly, Vélasquez, Voyage… Une immersion en Barcelomania.



Ce jeu de mot-réponse n’avait pas été préparé. L’artiste arrivait tout juste de Majorque et c’est cette spontanéité à répliquer du tac au tac au directeur de l’Instituto Cervantes, qui a ébloui l’auditoire. Après une première salve d’échanges, dits en langue espagnole, Barceló, élégamment, a suggéré, au bout d’un bon quart d’heure, de continuer la conversation en français, qu’il parle de manière impeccable. Au fil des mots de l’abécédaire, lancés comme des appâts, et que l’artiste attrapait au vol goulûment, il s’est mis alors, dans un débit de plus en plus rapide et fougueux, à brosser un portrait « en creux » de sa vie, comme il aime à faire dans ses œuvres : travailler les creux et les bosses de son support ou de sa matière, glorifier les accidents qui ne sont parfois qu’intervention du vent ou de la poussière. En boulimique qui aime la vie, et la prend pleinement, à bras le corps, il parle de ses inspirations qui peuvent être simplement des visages, rencontrés partout, et peints souvent. Il parle de Miró, Picasso, Lascaux ou Chauvet. Il évoque Altamira ou cette autre cavité espagnole qui montre des poissons géants ; il décrit, enfin, cette grotte de la Haute-Garonne où des animaux s’accouplent quand on les éclaire d’une certaine manière.



C’est peut-être cependant le Mali, où il ne peut plus aller en ce moment, dont il se sent le plus proche. Le Népal n’aura pas effacé ses souvenirs maliens, ni ses lectures, en français, des livres – qu’il pense avoir tous lus – de la bibliothèque catholique de Gao. Dans les propos de l’artiste, à ce chapitre de l’Afrique, et notamment du Mali, on sent tout à coup une nostalgie paraître. Mais l’homme, décidé, combatif, va de l’avant et ne veut pas s’étendre sur cette époque heureuse de sa vie, dont on sent bien qu’il pourrait parler pendant des heures.



Marché de Sangha



Marché de Sangha















Quelques autres lieux de son existence nomade sont convoqués : Barcelone (« la femelle de Barceló », dira-t-il !), Majorque, Naples, New York, Paris, le Portugal (pays d’origine de sa femme)… Tout est bien, tout est beau dans ces endroits où il a vécu et travaillé (sauf « Genève, le lieu où j’ai été pendant un an le plus malheureux, mais maintenant j’en ai quand même la nostalgie »). Mais il se reproche également de trop bouger, pour ajouter aussitôt que lorsqu’il est dans un lieu, il travaille tout le temps.



Tellement d’artistes ou d’écrivains sont pleins d’eux-mêmes, s’écoutent parler, sont prétentieux et distants. Miquel Barceló est l’inverse. Proche, accessible, souriant, capable d’autodérision, capable d’autodénigrement aussi (son travail pour Aix-en-Provence), ce qui est si rare. Il ne pontifie jamais. Il ponctue même nombre de ses réflexions d’une pointe d’humour subtil, jamais blessant. On sent en lui une vraie liberté, doublée de cette légèreté  qui est l’apanage des éternels jeunes gens – ce qu’il est. On admire aussi la vaste culture qui forge sa personnalité, bien mise en avant par Juan Manuel Bonet, autre grand érudit. Musique, peinture, littérature, il connaît chacun de ces domaines, avec peut-être une prédilection pour la littérature et des auteurs comme Cervantes, Conrad, Stevenson, Michaux, Modiano (dont il a fait plusieurs portraits)… sans oublier des écrivains de sa génération. La psychanalyse n’est pas pour Barceló ! Il dégage trop de force, d’humanisme, d’énergie et de clairvoyance pour ne pas trouver en lui-même, dans son travail avant tout, auprès de sa famille et de ses amis, enfin dans ses voyages et dans ses lectures, les ressources nécessaires pour avancer. Mi-ogre, mi-Pierrot lunaire, il semble à son aise sur sa planète qu’il s’est créée.


Autoportrait de Miquel Barceló, 2005


Cet éternel jeune homme de la peinture, au visage rond et écarlate, n’a pas d’inquiétude à avoir. Tout comme son art protéiforme, il éclate de santé. En travailleur acharné, il malaxe sans cesse les matières, de ses mains courtes et épaisses. Les formats, les techniques, les couleurs, les pigments ? Il dévore tout comme un taureau furieux lâché dans l’arène. Rien ne lui résiste. Il aime à changer souvent d’adversaires – ou de partenaires. A les bousculer aussi. Il gagne à la fin ses combats, avec une facilité déconcertante, et conclut par un beau sourire de matador.



On aurait aimé ajouter certains mots à ce « dictionnaire Barceló », mais ils auraient défini de trop près la personnalité de cet artiste pour pouvoir figurer dans ce jeu de la vérité. Pourtant, H comme humour, H comme humilité, I comme intelligence, L comme liberté, S comme sensibilité, S, enfin, comme simplicité, auraient complété à merveille le jeu de cartes sorti de sa manche par Juan Manuel Bonet.



Après cette heure d’échange, sur la scène de l’auditorium de l’Instituto Cervantes, le peintre, toujours aussi disponible, resta encore un peu pour prolonger ces moments particuliers. Il embrassa – avec fierté – son fils (d’une vingtaine d’années, et qui fait une tête de plus que le père), signa son dernier ouvrage réalisé en collaboration avec Michel Butor, tomba dans les bras de quelques amis venus le saluer. Pourtant, peu à peu, on le sentait ailleurs. Ce bourreau du travail ne pensait-t-il pas alors, à vite rentrer chez lui pour retrouver les siens – et la chaleur de son atelier ? 

Stéphane Rochette


Galerie SR
16, rue de Tocqueville
75017 Paris




vendredi 25 octobre 2013

Au nom du rose, dans l'oeuvre d'Albert André

 

Au tournant des 19e et 20e siècles, il était en France des peintres impressionnistes, divisionnistes et nabis, des peintres de Pont-Aven, aussi. Le fauvisme allait naître, suivi par le cubisme, l’expressionnisme, l’art abstrait… Au-delà de ces schémas formatés, on comptait également un certain nombre de peintres, qui n’entraient dans aucune catégorie, et que l’on a souvent regroupés sous le titre de postimpressionnistes. Ils n’étaient pas tout à fait de la génération des maîtres de l’impressionnisme comme Manet, Monet ou Renoir, et leur art, dans cette continuité du portrait, du paysage, du nu, ou de scènes de genre, souvent évocatrices du bonheur, n’a jamais basculé dans la non-figuration. Henri Lebasque, Charles Camoin, Louis Valtat, Georges d’Espagnat ou encore Albert André font partie de cette lignée d’artistes à la fois sages, mais au solide métier, et légitimes à coucher sur leurs toiles les derniers feux d’un art en voie d’extinction. N’étaient-ils pas, d’ailleurs, souvent encouragés par leurs respectables aînés dans cette démarche ?

Parmi ces peintres, la galerie SR aime à proposer des œuvres d’Albert André. Qui mit le pied à l’étrier à André en le recommandant à son marchand – qui n’était autre que Paul Durand-Ruel ? Auguste Renoir, et ce, dès 1894, lors d’une visite au Salon des Indépendants où le jeune André présentait plusieurs toiles. Cela aurait été la même chose si André avait présenté des dessins ou des aquarelles, car il était aussi à l’aise dans ces techniques, qu’il maniait avec une extrême finesse.

Albert André, Nu aux rochers


Albert André (1869-1954) a les mêmes dates qu’Henri Matisse. Il est né à Lyon, a effectué sa formation artistique à Paris, avant de partager sa vie entre la rive Pigalle/Montmartre et une maison, à Laudun, dans le Gard, pas très loin d’Avignon. Le jardin fleuri, qui entourait la demeure, séduisait Renoir lorsqu’il faisait halte chez son jeune ami avant de rejoindre ses chères « Collettes » à Cagnes-sur-Mer. A Laudun, Renoir avait sa chambre attitrée. Aux Collettes, aujourd’hui, juste retour des choses, on peut visiter la « chambre Albert André ». 

Albert André, Place Pigalle
Albert André, Brume sur la place Pigalle

























Il n’y a jamais rien eu de « révolutionnaire » dans l’art d’Albert André. Il n’a pas été à l’origine d’un mouvement pictural, il n’a pas inventé un monde, des formes ou des thèmes qui seront repris par d’autres ensuite. Il a, au contraire, simplement mis ses pas dans ceux d’aînés qu’il admirait (Renoir, Lautrec, Marquet, Bonnard) en faisant en sorte de les décaler un peu pour créer un style personnel, une « patte », un « velouté » qui fait qu’une toile d’Albert André, quand même, on la reconnaît. Tel est le propre du véritable artiste, créer un monde à soi, immédiatement identifiable. Lebasque, Camoin, Valtat, d’Espagnat, André… Aucun de ces artistes « du bonheur » (souvent teinté de nostalgie ou de mélancolie) n’a chamboulé l’histoire de l’art. Tous ont eu, cependant, un ton propre qui permet de les identifier. 

Albert André, Jeune femme au café


Il n’est pas question ici de faire une étude sur l’art d’Albert André. En revanche, il est intéressant de dire que l’une des caractéristiques de ce peintre est une belle utilisation de la couleur rose. Une exposition thématique consacrée à cette couleur ne pourrait se passer d’œuvres d’Albert André – ni d’œuvres de Vuillard, par exemple, pour prendre l’un de ses contemporains qu’André admirait.

Albert André, Jacqueline lisant, salon rose


Voici quelques œuvres d’Albert André présentées à la Galerie SR et qui abondent dans ce sens, comme cette toile, intitulée Jacqueline au chevalet. Elle représente Jacqueline George Besson, qui fut, d’une certaine manière, la fille adoptive du peintre, et qui, à la mort de celui-ci, ne cessa de magnifier son œuvre. 

Albert André, Jacqueline au chevalet


Pour en connaître plus sur ce grand ami de Renoir, il est un ouvrage essentiel – et définitif ! – écrit par Alain Girard, Directeur de la conservation des musées du Gard : Albert André, un contemporain de toujours (Editions Conseil général du Gard, 2011).

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On pourrait penser que le poème suivant de Charles Forot a été écrit pour rendre hommage à cette couleur qu'appréciait Albert André :

Sur du rose ? Est-ce bien du rose,
Ce reflet de soleil couchant
Qui court sur l'horizon touchant
Chaque contour et chaque chose ?

C'est doux, vaporeux, attachant,
L'esprit mollement se repose,
S'alanguit presque en se penchant
Sur du rose... est-ce bien du rose ?

Pourpre, or, bleu : tout se décompose
En tons fondus, rien n'est tranchant,
Et, baigné dans l'apothéose,
Le rêve à l'âme ouvre son champ

Sur du rose... est-ce bien du rose,
Ce reflet de soleil couchant ?...

Charles Forot, La Ronde des ombres, Editions du Divan, Paris, 1922. 

 
Galerie SR
16, rue de Tocqueville
75017 Paris
Tel : 01 40 54 90 17



mardi 30 avril 2013

"Le Grand Voyage de Ramuz" par Stéphane Rochette



Le titre du livre allait de soi : Le Grand Voyage de Ramuz. Il comprend pourtant un soupçon d’ironie. L’écrivain suisse C. F. Ramuz était en effet bien peu voyageur. Il fit pourtant une exception, en réalisant, une fois dans sa vie, un « grand voyage » qui l’amena en 1926 à parcourir en Talbot, trois semaines durant, quelques endroits de France.

Ramuz ne conduisait pas. Il était donc accompagné de deux amis, Lausannois comme lui, le peintre graveur Henry Bischoff, et le journaliste écrivain Paul Budry, propriétaire de la voiture. 


Henry Bischoff, Le Joli Bois, 1914.

Le but initial de cette véritable expédition était de se rendre compte sur place de l’état de la paysannerie en France, pour en établir ensuite un compte-rendu. Avant de partir, l’écrivain suisse, célèbre entre autres pour La Grande Peur dans la montagne, et davantage encore pour l’Histoire du Soldat (avec Igor Stravinsky), entra en contact avec l’écrivain Henri Pourrat, et avec le médecin artiste Jos Jullien, qui allaient être deux de ses principaux relais au cours de ce périple. Autant dire d’emblée que cette étude de la paysannerie se dilua peu à peu au fil des étapes, et que le texte de commande, qui devait s’ensuivre, ne fut jamais écrit.

Jos Jullien, Portrait de C. F. Ramuz, 1926 (Archives départementales de l'Ardèche).


 

Du 30 mars au 18 avril 1926, des Suisses firent donc un voyage en France. Paul Budry en avait relaté les six premiers jours, dans un ouvrage intitulé Trois hommes dans une Talbot (Payot, 1928). 






Ce récit, Le Grand Voyage de Ramuz, tente de raconter, jour après jour, l’ensemble du parcours. Il s’attache aux rencontres effectuées : l’écrivain Henri Pourrat à Ambert, l’écrivain Joseph Desaymard à Clermont-Ferrand, le médecin artiste Jos Jullien à Joyeuse, le poète et éditeur Charles Forot à Saint-Félicien-en-Vivarais, le futur écrivain Jean-Marie Dunoyer à Annecy. Il s’attache aussi aux lieux visités : Ambert, Viverols, Usson, Issoire, Clermont-Ferrand, Riom, La Chaise-Dieu, Le Puy-en-Velay, Saint-Laurent-le-Minier, Joyeuse, Vallon Pont d’Arc, Nîmes, Villeneuve-lès-Avignon, Orange, Saint-Félicien-en-Vivarais, Annonay, Chambéry, Annecy… 



Jos Jullien, vers 1922.


Marcel Gimond, Portrait de Charles Forot




















L’histoire de ce voyage s’appuie sur de nombreux documents, avec, par exemple, des cartes postales rapportées par Ramuz, et dont certaines sont reproduites dans le livre. Un autre apport essentiel de l’ouvrage est la transcription du carnet tenu par Ramuz, dans lequel il indique le déroulement du voyage (Fonds Centre de recherche sur les lettres romandes, Lausanne). Cela permet de suivre au plus près les trois Suisses.

Outre ces deux sources inédites, le livre comprend une iconographie importante, qui concerne chacun des personnages principaux de cette aventure. De nombreuses œuvres des deux peintres concernés – Henry Bischoff et Jos Jullien – complètent cette partie image et documentation. 


Henry Bischoff, gravure dédicacée à Gino Severini.

Jos Jullien, Taverne ardéchoise, 1927.


Il faut dire, enfin, que Le Grand Voyage de Ramuz accompagne l’exposition Jos Jullien, médecin et artiste à la curiosité universelle, qui se tient jusqu’au 30 septembre aux Archives départementales de l’Ardèche, à Privas. Il est coédité par les Archives départementales de l’Ardèche et par l’association française Les Amis de Ramuz. Si la partie la plus importante de ce voyage fut celle qui se déroula en Auvergne, la partie inédite concerne l’Ardèche, avec Jullien et Forot, puis Annecy, avec Dunoyer. Voilà pourquoi le livre développe notamment ces moments du trajet. Jos Jullien conduisit Ramuz voir des dolmens et des grottes, le Pont d’Arc, les tunnels à Ruoms, le musée ethnographique de Nîmes, la Vierge en ivoire et en albâtre de Villeneuve-lès-Avignon, le Pigeonnier de son ami Charles Forot… Il n’oublia pas de lui montrer les caves viticoles de la Vallée du Rhône – il n’en manque pas ! – ce qui lui fera écrire peu après à l’un de ses amis, l’écrivain et homme politique Gaston Riou :



« J’étais parti en auto avec le charmant Ramuz et nous avons accompli le périple des vins du Rhône ». 

Jos Jullien, Grappes de raisin.




Mais Ramuz n’était-il pas l’un de ces êtres de bonne compagnie, doublé d’un camarade « charmant », en effet, pour que l’écrivain Jean-Marie Dunoyer écrive cette phrase définitive à son sujet :



Je ne sais pas si Ramuz a beaucoup d’amis – je lui en connais pourtant un certain nombre – mais ceux qui l’aiment se feraient tuer pour lui. 



Qu’ajouter ? Si ce n’est l’espoir de voir quelques amateurs prêts à monter en Talbot, pour faire aux côtés de Ramuz et de ses amis un beau voyage… Contact !




La maquette du livre et la couverture (Mairie d'Ambert en montgolfière) ont été composées par le photographe vidéaste – et graphiste – Bruno Wagner.

Henry Bischoff, Rameau assis, 1915.





 Pour tout renseignement s'adresser à Stéphane Rochette :






 




dimanche 21 avril 2013

Exposition Jos Jullien aux Archives départementales de l'Ardèche, à Privas (12 avril-30 septembre 2013)











Inauguration de l'exposition Jos Jullien.

 De gauche à droite : Marc Bolomey, vice-président du Conseil général, 
Corinne Porte, directrice des Archives départementales et Stéphane Rochette 
(Photo Archives départementales).

La vie va vite, au XXIe siècle. Pas le temps de faire des pauses, le nez toujours plongé dans son iPhone. Pour le meilleur ou pour le pire ? Sinon, les gens en réunion, en formation. Sans doute, pour déjouer le monde en récession.
Rien de tout cela à la galerie SR. Ni récession, ni progression, ni formation, ni réunion, mais une attention portée à quelques artistes oubliés, à la marge, et, on le pense, talentueux. Jos Jullien, par exemple, qui a provoqué le long silence de ce blog, car avec le travail concentré sur lui ces derniers mois, il ne pouvait en être autrement.

Grâce à la volonté de Corinne Porte, directrice des Archives départementales de l’Ardèche, la première exposition consacrée à Jos Jullien vient d’ouvrir, en ces mêmes archives, à Privas. Elle a pour titre : Jos Jullien, médecin et artiste à la curiosité universelle.



L’affiche montre l’homme en tenue de médecin. Il est assis dans une pièce qui lui sert de laboratoire. Le microscope est à portée de la main. L’air un peu perdu – ou un peu ailleurs –, il semble pénétré par quelque chose qui traverse son esprit, mais quoi ? Au-dessus de lui, des symboles chimiques sont disposés. A l’intérieur, inutile de scruter le cuivre, l’or ou l’étain. Ce sont les « qualités » de ce docteur au grand cœur que l’on peut lire : médecine, recherche, chirurgie, politique, préhistoire, archéologie, littérature, dessin, gravure, peinture. La liste, déjà longue, aurait pu l’être encore davantage. Alors, comment présenter tel homme Protée, tel dieu Shiva ? 

Bérénice, eau-forte, 1922 (Archives départementales de l'Ardèche).

Dans deux salles des Archives, l’exposition est conçue comme si nous allions passer 24 heures aux côtés de Jos Jullien, afin de vivre avec lui une journée particulière au cours de laquelle, à chaque heure, il changerait de spécialité pour nous montrer un nouvel aspect de sa personnalité.













Don Juan, eau-forte, 1922 (Archives départementales de l'Ardèche).



Ces 24 thèmes d’études se matérialisent par des panneaux illustrés, numérotés de 1 à 24. Ils montrent dans la première salle le Jullien médecin, chercheur, préhistorien et homme politique, en tant que maire de Joyeuse ; dans la seconde salle le Jullien artiste – notamment graveur et illustrateur –, mais aussi essayiste et poète. Tant de dons réunis en une seule et même personne font que l’on s’imagine très bien ce savant humaniste s’emparant d’un pinceau d’artiste peintre pour mélanger dans un erlenmeyer de chimiste tous les ingrédients de sa vie. Vision – ou raccourci – du créateur et du chercheur, un peu génial, un peu fou, mais qui ne font qu’un ! 











Jos Jullien dans son atelier, vers 1926.



Ces 24 panneaux s’accompagnent également de vitrines dans lesquelles on peut voir des documents qui tentent de faire revivre le médecin artiste. C’est à travers ce genre d’exposition que l’on mesure l’importance du fonds de l’éditeur et poète Charles Forot, conservé aux Archives départementales de l’Ardèche, fonds établi par Dominique Dupraz, ancien directeur de ces mêmes Archives. Sans ce fonds Forot, cet homme extraordinaire que fut Jos Jullien serait sans doute tombé dans l’oubli aujourd’hui.

L’exposition présente notamment ses portraits d’écrivains, ses illustrations Pour le Corydon de Gide ou encore Une saison en enfer, sa série des Masques, ses illustrations pour les éditions du Pigeonnier, de Forot, à Saint-Félicien-en-Vivarais, son travail sur Casanova (écrits et portrait)…











Une saison en enfer, burin, 1925 (Archives Départementales de l'Ardèche).



Dans un texte paru en 1927 dans l’Almanach Vivarois, l’homme politique et écrivain ardéchois Gaston Riou, dit de Jos Jullien qu’il était « le trait d’union des lettrés vivarois », avant d’ajouter : « Il est une sorte de chef d’état-major de notre culture. Sans lui nous nous ignorerions les uns les autres. Lettrés, écrivains, artistes, poursuivant notre carrière dans les métropoles, à l’écart du sol natal, tant de courants pourraient nous disjoindre ! C’est par la grâce de Jos Jullien que nous sommes unis : il nous a formés en faisceau. »

C’est un fait. Jos Jullien a d’ailleurs paraphrasé ainsi le poète latin Térence pour dire tout son amour du Vivarais : « Je suis Ardéchois, et rien de ce qui touche à l’Ardèche ne m’est étranger. ».











Les Bords du Chassezac, huile sur toile, vers 1910.



Jos Jullien a failli tomber dans l’oubli. L’histoire l’a rattrapé de justesse. Le but de cette exposition est de donner la dimension universelle de cet homme, pour qu’à l’avenir son nom et son œuvre s’inscrivent au moins dans le patrimoine culturel ardéchois…


Quelques œuvres de Jos Jullien présentées à l'exposition :

Illustrations pour sa thèse de médecine, L'Industrie des gants, 1902.




















 

Si l’exposition montre les différents aspects de la personnalité de Jos Jullien, elle s’attache notamment à son activité artistique.

Très jeune, Jos Jullien a, en effet, le goût du dessin et de la peinture, qu’il pratique dès ses années de lycée à Bourg-en-Bresse. Puis, parallèlement à ses études de médecine, qu’il entreprend à Lyon, il suit des cours aux Beaux-Arts de cette même ville, et continue de fréquenter son ami Jules Migonney, rencontré à Bourg-en-Bresse, et qui deviendra par la suite un peintre-graveur de renom à Paris.

En 1919, il fait la connaissance du poète et éditeur ardéchois Charles Forot, qui est sur le point de créer les éditions du Pigeonnier, à Saint-Félicien-en-Vivarais. Forot, conquis par les qualités de dessinateur et de peintre de Jullien, l’incite à faire des essais de gravure. Ce sera une idée de génie, car c’est sans doute là que les dons de Jos Jullien s’épanouiront de la manière la plus éclatante.

Sa période d’intense création, de graveur comme d’illustrateur, est limitée dans le temps. Elle court de 1919 à 1930 avec trois années particulièrement fécondes : 1924, 1925 et 1926.

Le bois gravé, l’eau-forte et le burin seront tour à tour utilisés par Jullien, qui se jouera des différentes techniques abordées.

Ses illustrations concernent les éditions du Pigeonnier de Charles Forot (vingt ouvrages), les éditions de la Cigale, à Uzès, de son autre ami éditeur, Georges Gourbeyre, ainsi que plusieurs autres revues ou publications.

Dans son travail d’artiste, Jos Jullien a abordé tous les sujets : scènes de genre, paysages, natures mortes, et portraits – dans lesquels il était particulièrement à l’aise. Les œuvres qu’il nous laisse sont à la fois fortes, originales et personnelles, souvent empreintes de l’esprit fin et cultivé qu’il avait. Aux côtés de Marcel Gimond et de Jean Chièze, il est l’un des grands artistes ardéchois de son temps. 

Sauf mention contraire, les œuvres présentées ci-dessous appartiennent aux Archives départementales de l'Ardèche (fonds Charles Forot).


Bois gravés (1920-1921)



Femme nue au bain



Paul-Jean Toulet
Paul Verlaine



Femme nue assise

Aquarelles et peintures

Le Cimetière au bord du lac, aquarelle, 1925.













Pour le tombeau d'Angelia de Montauvers (d'après Louis Pize), aquarelle.

Les Sauts de Rosières, huile sur toile, vers 1910 (collection particulière).


Illustrations

"Adieu ma Cendrine", 1926.

Les Premiers Vers, 1927.


Echouage, 1929.


Portraits

Edgar Poe, burin, 1926.

Stendhal, eau-forte, 1925.










Nietzsche, burin, 1926.



























Anna de Noailles, burin, 1924.


























Jos Jullien, médecin et artiste à la curiosité universelle

Archives départementales de l’Ardèche, Privas

12 juin-30 septembre 2013

Heures d’ouverture :

Du lundi au jeudi : de 8 h 15 à 12 h et de 13 h 15 à 17 h

Vendredi : de 8 h 15 à 12 h et de 13 h 15 à 17 h

Fermeture du 17 au 28 juin.

Commissaire de l’exposition : Stéphane Rochette

Assisté de Marie-Jo Cavalié et Bernadette Naud.

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Un ouvrage de Stéphane Rochette accompagne cette exposition : Le Grand Voyage de Ramuz, qui raconte un voyage effectué par l'écrivain suisse en France, en 1926, notamment en Auvergne chez Henri Pourrat et en Ardèche chez Jos Jullien.













En 2010, les Archives départementales de l'Ardèche ont publié du même auteur une biographie de Jos Jullien :
Jos Jullien, une vie gravée en Vivarais.





Contact : galerie.sr@gmail.com