Au tournant
des 19e et 20e siècles, il était en France des peintres
impressionnistes, divisionnistes et nabis, des peintres de Pont-Aven, aussi. Le
fauvisme allait naître, suivi par le cubisme, l’expressionnisme, l’art
abstrait… Au-delà de ces schémas formatés, on comptait également un certain
nombre de peintres, qui n’entraient dans aucune catégorie, et que l’on a
souvent regroupés sous le titre de postimpressionnistes. Ils n’étaient pas tout
à fait de la génération des maîtres de l’impressionnisme comme Manet, Monet ou
Renoir, et leur art, dans cette continuité du portrait, du paysage, du nu, ou
de scènes de genre, souvent évocatrices du bonheur, n’a jamais basculé dans la
non-figuration. Henri Lebasque, Charles Camoin, Louis Valtat, Georges
d’Espagnat ou encore Albert André font partie de cette lignée d’artistes à la
fois sages, mais au solide métier, et légitimes à coucher sur leurs toiles les
derniers feux d’un art en voie d’extinction. N’étaient-ils pas, d’ailleurs,
souvent encouragés par leurs respectables aînés dans cette démarche ?
Parmi ces
peintres, la galerie SR aime à proposer des œuvres d’Albert André. Qui mit le
pied à l’étrier à André en le recommandant à son marchand – qui n’était autre
que Paul Durand-Ruel ? Auguste Renoir, et ce, dès 1894, lors d’une visite
au Salon des Indépendants où le jeune André présentait plusieurs toiles. Cela
aurait été la même chose si André avait présenté des dessins ou des aquarelles,
car il était aussi à l’aise dans ces techniques, qu’il maniait avec une extrême
finesse.
Albert André, Nu aux rochers |
Albert André
(1869-1954) a les mêmes dates qu’Henri Matisse. Il est né à Lyon, a effectué sa
formation artistique à Paris, avant de partager sa vie entre la rive
Pigalle/Montmartre et une maison, à Laudun, dans le Gard, pas très loin
d’Avignon. Le jardin fleuri, qui entourait la demeure, séduisait Renoir
lorsqu’il faisait halte chez son jeune ami avant de rejoindre ses chères
« Collettes » à Cagnes-sur-Mer. A Laudun, Renoir avait sa chambre attitrée.
Aux Collettes, aujourd’hui, juste retour des choses, on peut visiter la
« chambre Albert André ».
Albert André, Place Pigalle |
Il n’y a jamais rien eu de « révolutionnaire » dans l’art
d’Albert André. Il n’a pas été à l’origine d’un mouvement pictural, il n’a pas
inventé un monde, des formes ou des thèmes qui seront repris par d’autres
ensuite. Il a, au contraire, simplement mis ses pas dans ceux d’aînés qu’il
admirait (Renoir, Lautrec, Marquet, Bonnard) en faisant en sorte
de les décaler un peu pour créer un style personnel, une « patte », un
« velouté » qui fait qu’une toile d’Albert André, quand même, on la
reconnaît. Tel est le propre du véritable artiste, créer un monde à soi,
immédiatement identifiable. Lebasque, Camoin, Valtat, d’Espagnat, André… Aucun
de ces artistes « du bonheur » (souvent teinté de nostalgie ou de
mélancolie) n’a chamboulé l’histoire de l’art. Tous ont eu, cependant, un ton
propre qui permet de les identifier.
Albert André, Jeune femme au café |
Il n’est pas
question ici de faire une étude sur l’art d’Albert André. En revanche, il est
intéressant de dire que l’une des caractéristiques de ce peintre est une belle
utilisation de la couleur rose. Une exposition thématique consacrée à cette
couleur ne pourrait se passer d’œuvres d’Albert André – ni d’œuvres de
Vuillard, par exemple, pour prendre l’un de ses contemporains qu’André
admirait.
Albert André, Jacqueline lisant, salon rose |
Voici quelques
œuvres d’Albert André présentées à la Galerie SR et qui abondent dans ce sens,
comme cette toile, intitulée Jacqueline au chevalet. Elle représente Jacqueline George Besson, qui fut,
d’une certaine manière, la fille adoptive du peintre, et qui, à la mort de
celui-ci, ne cessa de magnifier son œuvre.
Albert André, Jacqueline au chevalet |
Pour en
connaître plus sur ce grand ami de Renoir, il est un ouvrage essentiel – et
définitif ! – écrit par Alain Girard, Directeur de la conservation des
musées du Gard : Albert André, un contemporain de toujours (Editions Conseil général du Gard, 2011).
On pourrait penser que le poème suivant de Charles Forot a été écrit pour rendre hommage à cette couleur qu'appréciait Albert André :
Sur du rose ? Est-ce bien du rose,
Ce reflet de soleil couchant
Qui court sur l'horizon touchant
Chaque contour et chaque chose ?
C'est doux, vaporeux, attachant,
L'esprit mollement se repose,
S'alanguit presque en se penchant
Sur du rose... est-ce bien du rose ?
Pourpre, or, bleu : tout se décompose
En tons fondus, rien n'est tranchant,
Et, baigné dans l'apothéose,
Le rêve à l'âme ouvre son champ
Sur du rose... est-ce bien du rose,
Ce reflet de soleil couchant ?...
Charles Forot, La Ronde des ombres, Editions du Divan, Paris, 1922.
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Sur du rose ? Est-ce bien du rose,
Ce reflet de soleil couchant
Qui court sur l'horizon touchant
Chaque contour et chaque chose ?
C'est doux, vaporeux, attachant,
L'esprit mollement se repose,
S'alanguit presque en se penchant
Sur du rose... est-ce bien du rose ?
Pourpre, or, bleu : tout se décompose
En tons fondus, rien n'est tranchant,
Et, baigné dans l'apothéose,
Le rêve à l'âme ouvre son champ
Sur du rose... est-ce bien du rose,
Ce reflet de soleil couchant ?...
Charles Forot, La Ronde des ombres, Editions du Divan, Paris, 1922.
Galerie SR
16, rue de Tocqueville
75017 Paris
Tel : 01 40 54 90 17
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