Le titre du
livre allait de soi : Le Grand Voyage de Ramuz. Il comprend pourtant un soupçon d’ironie. L’écrivain
suisse C. F. Ramuz était en effet bien peu voyageur. Il fit pourtant une
exception, en réalisant, une fois dans sa vie, un « grand voyage »
qui l’amena en 1926 à parcourir en Talbot, trois semaines durant, quelques
endroits de France.
Ramuz ne
conduisait pas. Il était donc accompagné de deux amis, Lausannois comme lui, le
peintre graveur Henry Bischoff, et le journaliste écrivain Paul Budry,
propriétaire de la voiture.
Le but initial de cette véritable expédition était
de se rendre compte sur place de l’état de la paysannerie en France, pour en
établir ensuite un compte-rendu. Avant de partir, l’écrivain suisse, célèbre
entre autres pour La Grande Peur dans la montagne, et davantage encore pour l’Histoire du Soldat (avec Igor Stravinsky), entra en contact avec
l’écrivain Henri Pourrat, et avec le médecin artiste Jos Jullien, qui allaient
être deux de ses principaux relais au cours de ce périple. Autant dire d’emblée
que cette étude de la paysannerie se dilua peu à peu au fil des étapes, et que
le texte de commande, qui devait s’ensuivre, ne fut jamais écrit.
Jos Jullien, Portrait de C. F. Ramuz, 1926 (Archives départementales de l'Ardèche). |
Du 30 mars au
18 avril 1926, des Suisses firent donc un voyage en France. Paul Budry en avait
relaté les six premiers jours, dans un ouvrage intitulé Trois hommes dans
une Talbot (Payot, 1928).
Ce récit, Le
Grand Voyage de Ramuz, tente de raconter,
jour après jour, l’ensemble du parcours. Il s’attache aux rencontres
effectuées : l’écrivain Henri Pourrat à Ambert, l’écrivain Joseph
Desaymard à Clermont-Ferrand, le médecin artiste Jos Jullien à Joyeuse, le
poète et éditeur Charles Forot à Saint-Félicien-en-Vivarais, le futur écrivain
Jean-Marie Dunoyer à Annecy. Il s’attache aussi aux lieux visités : Ambert,
Viverols, Usson, Issoire, Clermont-Ferrand, Riom, La Chaise-Dieu, Le
Puy-en-Velay, Saint-Laurent-le-Minier, Joyeuse, Vallon Pont d’Arc, Nîmes, Villeneuve-lès-Avignon,
Orange, Saint-Félicien-en-Vivarais, Annonay, Chambéry, Annecy…
Jos Jullien, vers 1922. |
Marcel Gimond, Portrait de Charles Forot |
L’histoire de
ce voyage s’appuie sur de nombreux documents, avec, par exemple, des cartes
postales rapportées par Ramuz, et dont certaines sont reproduites dans le
livre. Un autre apport essentiel de l’ouvrage est la transcription du carnet
tenu par Ramuz, dans lequel il indique le déroulement du voyage (Fonds Centre
de recherche sur les lettres romandes, Lausanne). Cela permet de suivre au plus
près les trois Suisses.
Outre ces deux
sources inédites, le livre comprend une iconographie importante, qui concerne
chacun des personnages principaux de cette aventure. De nombreuses œuvres des
deux peintres concernés – Henry Bischoff et Jos Jullien – complètent cette
partie image et documentation.
Jos Jullien, Taverne ardéchoise, 1927. |
Il faut dire,
enfin, que Le Grand Voyage de Ramuz
accompagne l’exposition Jos Jullien, médecin et artiste à la
curiosité universelle, qui se tient
jusqu’au 30 septembre aux Archives départementales de l’Ardèche, à Privas. Il
est coédité par les Archives départementales de l’Ardèche et par l’association
française Les Amis de Ramuz. Si la partie la plus importante de ce voyage fut
celle qui se déroula en Auvergne, la partie inédite concerne l’Ardèche, avec
Jullien et Forot, puis Annecy, avec Dunoyer. Voilà pourquoi le livre développe
notamment ces moments du trajet. Jos Jullien conduisit Ramuz voir des dolmens
et des grottes, le Pont d’Arc, les tunnels à Ruoms, le musée ethnographique de
Nîmes, la Vierge en ivoire et en albâtre de Villeneuve-lès-Avignon, le
Pigeonnier de son ami Charles Forot… Il n’oublia pas de lui montrer les caves
viticoles de la Vallée du Rhône – il n’en manque pas ! – ce qui lui fera
écrire peu après à l’un de ses amis, l’écrivain et homme politique Gaston
Riou :
« J’étais
parti en auto avec le charmant Ramuz et nous avons accompli le périple
des vins du Rhône ».
Jos Jullien, Grappes de raisin. |
Mais Ramuz
n’était-il pas l’un de ces êtres de bonne compagnie, doublé d’un camarade
« charmant », en effet, pour
que l’écrivain Jean-Marie Dunoyer écrive cette phrase définitive à son
sujet :
Je ne sais
pas si Ramuz a beaucoup d’amis – je lui en connais pourtant un certain nombre –
mais ceux qui l’aiment se feraient tuer pour lui.
Qu’ajouter ?
Si ce n’est l’espoir de voir quelques amateurs prêts à monter en Talbot, pour
faire aux côtés de Ramuz et de ses amis un beau voyage… Contact !
La maquette du
livre et la couverture (Mairie d'Ambert en montgolfière) ont été composées par le photographe vidéaste – et graphiste –
Bruno Wagner.
Henry Bischoff, Rameau assis, 1915. |
Pour tout renseignement s'adresser à Stéphane Rochette :