mercredi 1 septembre 2021

De Cannes à Nice... De Pierre Matisse à Constant Rey-Millet...

 
 
Cannes, vue du Suquet

 
Les cartes postales de vacances sont parfois un peu contraignantes à envoyer… mais tellement agréables à recevoir ! En France, les destinations touristiques ne manquent pas. Chaque région a ses atouts, chaque département, ses trésors. Une vie n’y suffit pas ! Parmi les lieux les plus courus, la Côte d’Azur reste une valeur sûre. Hormis ses plages et son soleil, ses bateaux – plus ou moins gros – et son arrière-pays, sa végétation et ses parfums, ses restaurants et ses marchés, ce qui attire également en ces lieux ce sont ses musées. Outre ceux consacrés aux Beaux-Arts, à l’art naïf, à l’art contemporain, aux arts asiatiques, à la céramique, l’on peut aussi « rendre visite » à Picasso, Matisse, Bonnard, Magnelli, Léger, Renoir, Chagall, Domergue et Cocteau, dans les musées qui leur sont consacrés. Sans oublier la Fondation Hartung, ni la plus célèbre de toutes les fondations, celle voulue par Aimé Maeght, où Miro, Giacometti, Calder et d’autres sont présentés, dans le bâtiment et dans les jardins, comme nulle part ailleurs.
 
 
Cannes, Plage du Midi

 
En se promenant sur la Côte d’Azur, Cannes, malgré la foule, garde son charme pour qui en connaît les recoins. « Situation à souhait. Là, me disais-je, on peut passer en paix le soir de sa vie. » Ainsi rêvait Stendhal, à une époque plus proche de celle de Lord Brougham que de nos musiques électroniques sur les plages ou dans les bars… 
 
 
Artemisia Gentileschi, Judith et Holopherne (Cannes, Musée des explorations du monde)

 
A Cannes, le musée se trouve sur les hauteurs de la ville, dans le quartier du Suquet. Connu, par les locaux, sous le nom de musée de la Castre, son appellation a été modifiée pour devenir, bien pompeusement, Musée des explorations du monde. Certes, le musée a une collection d’art grec, romain, et égyptien, certes les arts premiers y sont représentés (notamment océaniens), certes une collection d’instruments de musique anciens y tient une place d’honneur, mais le nom choisi fait oublier qu’il renferme aussi une collection de peintures. Aussi, « Musée des beaux-arts et des civilisations » – presque aussi pompeux ! – aurait au moins l’avantage d’inclure la collection de peintures et de dessins qu’un nom comme « explorations du monde » ne laisse pas soupçonner… Passons ! 
Nul doute que le chef-d’œuvre du musée est une peinture d’Artemisia Gentileschi (1593-1656), seule œuvre en France de cette artiste romaine, aimantée par la fougue caravagesque. Ce tableau de grand format (236 x 178 cm), intitulé Judith et Holopherne, est spectaculaire. Il est au centre d’une exposition temporaire intitulée Femmes fatales, Artemisia Gentileschi et Judith de Béthulie. Bonne idée de consacrer une salle au tableau d’Artemisia, avec détails et explications à l’appui. Bonne idée d’exposer aussi, dans les pièces suivantes, une série de peintures anciennes de grande qualité représentant ce même mythe classique de Judith, qui aura marqué beaucoup d’artistes. 
 
 
Le Cannet, Musée Bonnard

 
Pierre Bonnard, Autoportrait, 1885 (collection particulière)

 
Le musée Bonnard, au Cannet, fête ses dix ans. Auparavant, une chapelle, sur une place tranquille, présentait déjà de délicieuses expositions consacrées au peintre, qui vécut Villa du Bosquet, 29 avenue Victoria. C’est ici qu’il passa les vingt dernières années de sa vie. C’est ici également qu’il repose, au cimetière de la ville. Cet été, une exposition intitulée Face à face, l’autoportrait de Cézanne à Bonnard, présente, sur trois étages, une cinquantaine d’autoportraits de grande qualité. 
 
 
Edouard Vuillard, Vuillard au canotier, vers 1888 (collection particulière)

 
Les deux ensembles les plus impressionnants concernent Bonnard et Vuillard, qui se sont "introspectés" à divers âges, sous divers éclairages, de face ou de trois-quarts, sur fonds sombres ou lumineux. Dans un dessin au crayon de 1885, Bonnard, col raide, mèche rebelle, lèvres bien délimitées, scrute le spectateur derrière de fines lunettes. Le jeune homme sait déjà son destin. Trois ans plus tard, Vuillard, sous son chapeau de paille galonné de bleu, et sous sa barbe rousse, semble plus dubitatif. 
 
Henri Goetz, Autoportrait à la main bleue (détail), 1934 (collection particulière

 
En 1934, le peintre, mais surtout pastelliste et graveur, Henri Goetz, que nous visitions dans ses ateliers, à Paris et à Villefranche-sur-Mer, et qui n’avait pas encore inventé son monde abstrait de signes flottants, se représente comme devant un miroir. Visage, chemise et arrière-plan sont traités en camaïeu beige. Mais sa main gauche levée, peinte en bleue, tout comme le pinceau tenu au bout de ses doigts, donne toute l’originalité à l’œuvre. 
 
 
Jean Hélion, Le peintre demi-nu (autoportrait), 1945 (collection de Beuil & Ract-Madoux)

 
Le protéiforme Jean Hélion se met en scène torse nu, avec ventre plissé de bourrelets. Il fixe le spectateur, pendant que, de sa main gauche, un pinceau réalise une œuvre posée sur une table. Là encore, l’attitude est peu commune. Décidément, l’autoportrait inspire. 
 
 
Nice, Musée Matisse

 
 
Nice, Musée Matisse

 
A Nice, le Musée Matisse est installé dans un bâtiment aux coloris méditerranéens. Autour, les oliviers accentuent la couleur locale. Sans oublier les cigales… Lorsqu’il découvrit Nice, Matisse, remplit de joie, déclara : « Quand j’ai compris que chaque matin je reverrai cette lumière, je ne pouvais croire à mon bonheur. Je décidai de ne pas quitter Nice, et j’y ai demeuré pratiquement toute mon existence. » Difficile de trouver meilleure publicité pour la ville. 
 
Henri Matisse, Portrait de Madame Matisse, 1905 (Nice, Musée Matisse)

 
Au musée, quelques papiers découpés d’Henri Matisse des dernières années suffisent à justifier une visite, tout comme un Portrait de Madame Matisse, qui prouve qu’en peinture quelques traits et quelques couleurs suffisent pour composer un chef-d’œuvre. 
 
 

 En cet été 2021, le lieu consacre une exposition à l’un des enfants du peintre : Pierre Matisse (1900-1989). Il hésita à devenir peintre lui-même, mais eut la bonne idée de ne pas faire comme son papa – ce qui dut soulager ce dernier. Il fut, en revanche, bien placé pour devenir marchand, dès les années 1930, non pas à Paris, mais à New York. Outre le grand Henri, il exposa Miro, Tanguy, Giacometti, Balthus – qui réalisa son portrait en 1938 (New York, Metropolitan Museum) – Leonora Carrington, Zao Wou Ki et d’autres. 
 
 

 
En vitrine : Constant Rey-Millet, Floride, vers 1947, Galerie SR, Paris

Constant Rey-Millet, Nature morte, Galerie SR, Paris


Constant Rey-Millet, Séminoles, Galerie SR, Paris

Au cours de l’automne 1951, Constant Rey-Millet (que l’on ne présente plus…), exposa également à la Pierre Matisse gallery. Furent montrées alors des œuvres séminoles réalisées dans sa propriété de Floride, Sandy Loam Farm. Parmi celles-ci n’y en aurait-il pas que l’on peut voir aujourd’hui à la Galerie SR ? Tout est possible. Dans la vie en général, comme dans celle des œuvres d’art en particulier !