vendredi 25 octobre 2013

Au nom du rose, dans l'oeuvre d'Albert André

 

Au tournant des 19e et 20e siècles, il était en France des peintres impressionnistes, divisionnistes et nabis, des peintres de Pont-Aven, aussi. Le fauvisme allait naître, suivi par le cubisme, l’expressionnisme, l’art abstrait… Au-delà de ces schémas formatés, on comptait également un certain nombre de peintres, qui n’entraient dans aucune catégorie, et que l’on a souvent regroupés sous le titre de postimpressionnistes. Ils n’étaient pas tout à fait de la génération des maîtres de l’impressionnisme comme Manet, Monet ou Renoir, et leur art, dans cette continuité du portrait, du paysage, du nu, ou de scènes de genre, souvent évocatrices du bonheur, n’a jamais basculé dans la non-figuration. Henri Lebasque, Charles Camoin, Louis Valtat, Georges d’Espagnat ou encore Albert André font partie de cette lignée d’artistes à la fois sages, mais au solide métier, et légitimes à coucher sur leurs toiles les derniers feux d’un art en voie d’extinction. N’étaient-ils pas, d’ailleurs, souvent encouragés par leurs respectables aînés dans cette démarche ?

Parmi ces peintres, la galerie SR aime à proposer des œuvres d’Albert André. Qui mit le pied à l’étrier à André en le recommandant à son marchand – qui n’était autre que Paul Durand-Ruel ? Auguste Renoir, et ce, dès 1894, lors d’une visite au Salon des Indépendants où le jeune André présentait plusieurs toiles. Cela aurait été la même chose si André avait présenté des dessins ou des aquarelles, car il était aussi à l’aise dans ces techniques, qu’il maniait avec une extrême finesse.

Albert André, Nu aux rochers


Albert André (1869-1954) a les mêmes dates qu’Henri Matisse. Il est né à Lyon, a effectué sa formation artistique à Paris, avant de partager sa vie entre la rive Pigalle/Montmartre et une maison, à Laudun, dans le Gard, pas très loin d’Avignon. Le jardin fleuri, qui entourait la demeure, séduisait Renoir lorsqu’il faisait halte chez son jeune ami avant de rejoindre ses chères « Collettes » à Cagnes-sur-Mer. A Laudun, Renoir avait sa chambre attitrée. Aux Collettes, aujourd’hui, juste retour des choses, on peut visiter la « chambre Albert André ». 

Albert André, Place Pigalle
Albert André, Brume sur la place Pigalle

























Il n’y a jamais rien eu de « révolutionnaire » dans l’art d’Albert André. Il n’a pas été à l’origine d’un mouvement pictural, il n’a pas inventé un monde, des formes ou des thèmes qui seront repris par d’autres ensuite. Il a, au contraire, simplement mis ses pas dans ceux d’aînés qu’il admirait (Renoir, Lautrec, Marquet, Bonnard) en faisant en sorte de les décaler un peu pour créer un style personnel, une « patte », un « velouté » qui fait qu’une toile d’Albert André, quand même, on la reconnaît. Tel est le propre du véritable artiste, créer un monde à soi, immédiatement identifiable. Lebasque, Camoin, Valtat, d’Espagnat, André… Aucun de ces artistes « du bonheur » (souvent teinté de nostalgie ou de mélancolie) n’a chamboulé l’histoire de l’art. Tous ont eu, cependant, un ton propre qui permet de les identifier. 

Albert André, Jeune femme au café


Il n’est pas question ici de faire une étude sur l’art d’Albert André. En revanche, il est intéressant de dire que l’une des caractéristiques de ce peintre est une belle utilisation de la couleur rose. Une exposition thématique consacrée à cette couleur ne pourrait se passer d’œuvres d’Albert André – ni d’œuvres de Vuillard, par exemple, pour prendre l’un de ses contemporains qu’André admirait.

Albert André, Jacqueline lisant, salon rose


Voici quelques œuvres d’Albert André présentées à la Galerie SR et qui abondent dans ce sens, comme cette toile, intitulée Jacqueline au chevalet. Elle représente Jacqueline George Besson, qui fut, d’une certaine manière, la fille adoptive du peintre, et qui, à la mort de celui-ci, ne cessa de magnifier son œuvre. 

Albert André, Jacqueline au chevalet


Pour en connaître plus sur ce grand ami de Renoir, il est un ouvrage essentiel – et définitif ! – écrit par Alain Girard, Directeur de la conservation des musées du Gard : Albert André, un contemporain de toujours (Editions Conseil général du Gard, 2011).

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On pourrait penser que le poème suivant de Charles Forot a été écrit pour rendre hommage à cette couleur qu'appréciait Albert André :

Sur du rose ? Est-ce bien du rose,
Ce reflet de soleil couchant
Qui court sur l'horizon touchant
Chaque contour et chaque chose ?

C'est doux, vaporeux, attachant,
L'esprit mollement se repose,
S'alanguit presque en se penchant
Sur du rose... est-ce bien du rose ?

Pourpre, or, bleu : tout se décompose
En tons fondus, rien n'est tranchant,
Et, baigné dans l'apothéose,
Le rêve à l'âme ouvre son champ

Sur du rose... est-ce bien du rose,
Ce reflet de soleil couchant ?...

Charles Forot, La Ronde des ombres, Editions du Divan, Paris, 1922. 

 
Galerie SR
16, rue de Tocqueville
75017 Paris
Tel : 01 40 54 90 17