vendredi 10 novembre 2023

Walkyrie Editions publie "Oscar Chelimsky, de Paris à Saint-Maurice-d'Ibie"

 

 

Oscar Chelimsky, de Paris à Saint-Maurice d'Ibie, Walkyrie Editions, 2023

 

Il en est de l’immense majorité des artistes et des écrivains. Si, de leur vivant, ils parviennent – plus ou moins – à entretenir une certaine notoriété, quelques années après leur mort, celle-ci s’éteint peu à peu. La loi est ainsi faite, impitoyable : seuls les génies, ou les très grands, parviennent à laisser une œuvre que l’on contemple ou lit des siècles après. Pour le reste…

 

 

Haywood Rivers et Oscar Chelimsky, Paris, 1950

 

Pour le reste, voici l’histoire d’un Américain à Paris, Oscar Chelimsky. Il trouva sa place dans l’art français des années 1950 et 1960, faisant partie alors de ce que l’on nomma la « Jeune Ecole de Paris », avant de retourner vivre aux Etats-Unis pour y poursuivre son travail.

Un ouvrage vient de paraître, qui fait renaître ce peintre. Le photographe et vidéaste Bruno Wagner, directeur de Walkyrie Editions, en est l’éditeur. Bruno Wagner ne travaille pas comme les autres. Il tient à sa marginalité – relative. Sa maison d’édition est installée chez lui, en pleine nature. Nous sommes là à Urau, au sud de la Haute-Garonne, dans un ancien moulin à eau, au bord d’une rivière tantôt calme, tantôt fougueuse. 

 

 

Rivière qui longe le moulin de Walkyrie Editions

 

Ce livre, dernier-né de Walkyrie Editions, s’intitule Oscar Chelmisky, de Paris à Saint-Maurice-d’Ibie. Il comprend une centaine d’œuvres de Chelimsky. De quoi avoir une bonne connaissance de son travail. Des photographies montrant l’artiste sont également reproduites, ainsi que des œuvres provenant de sa collection personnelle, avec notamment des pièces de quelques-uns de ses amis comme Hayter, Alechinsky, Vieira da Silva, Hajdu : une époque.

Oscar Chelimsky (1923-2010) est né à New York, où il a fréquenté plusieurs écoles d’art de la ville. Marié à la pianiste Eleanor Fine, le jeune couple arriva à Paris en 1948. Choix délibéré pour affirmer une carrière de musicienne et de peintre. Assez vite, une rencontre va s’avérer décisive, celle avec Brancusi, dont Chelimsky sera le voisin, impasse Ronsin. Proche de Brancusi, Chelimsky écrira même des souvenirs sur le sculpteur. Ce texte, publié en 1958 aux Etats-Unis dans la revue Arts, paraît pour la première fois en France dans Oscar Chelimsky, de Paris à Saint-Maurice-d’Ibie

 

 

Oscar Chelimsky, Composition, 1951

 

Entreprenant, le peintre américain va s’occuper, en 1950 et 1951, d’une galerie éphémère, la Galerie 8, installée au 8, rue Saint-Julien-le-Pauvre. Ce lieu est surtout réservé aux artistes venus d’Amérique, artistes que Chelimsky connait, et dont certains sont restés célèbres comme Sam Francis et Jules Olitsky. 

 

 

Oscar Chelimsky, Composition, 1959

 

L’art de Chelimsky a beaucoup évolué. Le peintre est un intellectuel. Il réfléchit à ses compositions, qu’il exécute lentement. Après des débuts figuratifs, parfois influencés par Braque, qu’il côtoie, l’abstraction prend vite le dessus. Il réalise des séries auxquelles il donne des noms comme Spontaneous Signs, Galloping Signs, Big Open Form ou encore la série Ibie. A chaque fois, un nouveau Chelimsky paraît. Cela peut dérouter, mais le véritable artiste se remet en question. Chelimsky ne cessera jamais de chercher des signes et des formes nouvelles pour composer ses toiles. Son travail de dessinateur sera tout aussi inventif. 

 

 

Oscar Chelimsky, Composition sur partition musicale

 

La critique remarqua l’artiste, notamment lorsqu’il bénéficia de plusieurs expositions personnelles à la galerie Jeanne Bucher. Les ventes furent-elles à la hauteur des espérances du peintre et du galeriste ? Pas totalement. Aucune publication sur le travail de Chelimsky ne parut, même par la galerie Jeanne Bucher, alors qu’en ce lieu comme ailleurs l’artiste bénéficia de nombreuses expositions personnelles et de groupe. Voilà pourquoi le livre de Walkyrie Editions vient combler un vide, permettant la découverte d’un peintre qui apporta sa touche personnelle à l’abstraction en France des années 50, et notamment à ce que l’on nomma la « Jeune Ecole de Paris ».  

 

 

Seize peintres de la Jeune Ecole de Paris, 1956

 


 

 

Affiche de l'exposition Recherches 62, American Center, Paris

 

Oscar et Eleanor Chelimsky aimèrent vivre à Paris. Ils y eurent deux enfants, Thomas et Catherine. Mais Oscar et Eleanor découvrirent aussi en 1954 un village caché du sud de l’Ardèche nommé Saint-Maurice-d’Ibie. Ils y acquirent une maison. En été, le couple et leurs enfants vinrent y passer de longues vacances. Pur bonheur, partagé avec leurs voisins du village, dont le couple d’artistes Luce Ferry et Etienne Hajdu, le poète Jacques Dupin et son épouse Christine. Les dîners n’en finissaient pas. Le vin blanc local participait à l’animation des conversations. D’autres amis n’étaient pas loin. On les recevait ou on leur rendait visite. Parmi eux, Helen Philips et son mari Stanley Wiliam Hayter, artistes qui vivaient alors en partie à Alba-la-Romaine. 

 

 

Oscar Chelimsky, Composition, 1961

 

Parmi les observateurs de l’œuvre de Chelimsky, il y eut ce cher Michel Seuphor, écrivain le matin et dessinateur l’après-midi (ou l’inverse ?) Pour Seuphor :

 

 « La peinture de Chelimsky est une sorte de calligraphie légère et chaude. Ses couleurs semblent flotter sur la toile sans vouloir la pénétrer. Un souffle très doux anime cette végétation abstraite et mêle tout sans rien déranger. » 

 

 

Oscar Chelimsky, Composition, 1966

 

A la fin des années 1960, Oscar et Eleanor rentrèrent vivre aux Etats-Unis. Le peintre continua son œuvre. Il enseigna également. Commença là une autre vie, mais avec toujours la nostalgie des années passées à Paris, synonymes de sa jeunesse, des échanges avec ses pairs, et d’une certaine gloire acquise alors…

 

Lire : Oscar Chelimsky, de Paris à Saint-Maurice-d’Ibie.

Prix de vente : 29 €.

Pour toute commande, adresser un chèque de 34 € (frais de port partagés) à l’ordre de Walkyrie Editions. Chèque à envoyer à :

 

Walkyrie Editions

Moulin de Cabiroun

31260 Urau

 

 

 

Galerie SR

16, rue de Tocqueville

75017 Paris

01 40 54 90 17

galerie.sr@gmail.com


 

lundi 14 août 2023

"Peindre l'Ardèche, peindre en Ardèche" : comme un air de dictionnaire

Charles du Besset, Les pins le soir près des Sauvages, coll. part. (D.R)


 

"Peindre l'Ardèche, peindre en Ardèche"








 

L’ouvrage, intitulé Peindre l’Ardèche, peindre en Ardèche, paru en octobre 2022, s’est écoulé en deux mois. Ce fort volume, qui ne rentre dans aucune boite aux lettres (son poids est de 2 kg 600 grammes) a fait partie des « livres de l’année ». Face au succès rencontré, il vient d’être réédité. De quoi satisfaire quelques amateurs d’art curieux – mais aussi de nombreux frustrés !

 

Camille de Soubeyran de Saint-Prix, Grappe de fruits, aquarelle, coll. part. (D.R.)


Abondamment illustré, il rassemble, depuis les origines, les artistes, Ardéchois ou non, qui, à un moment de leur vie, ou de manière continuelle, ont vécu, peint, senti, aimé le Vivarais. Parler des origines n’est pas un vain mot, car, grâce à la grotte Chauvet, l’art pariétal s’invite ici avec des mains et des lions. Le livre ne comprend pas d’artistes vivants. Voilà qui au moins ne froissera aucune susceptibilité. Des peintres célèbres – Raoul Dufy, Max Ernst, Albert Gleizes, Paul Signac – alternent avec des inconnus. Des chefs-d’œuvre se mêlent à des compositions hasardeuses. Tel est le principe même de ce genre d’ouvrage. Cela le rend vivant, car chaque page tournée est une surprise, plus ou moins bonne. Divertissement garanti. L’œil du lecteur est quand même dans l’ensemble ravi, en tous cas toujours surpris.

 

Jeanne Selmersheim-Desgranges, Pêches au compotier jaune, aquarelle, coll. particulière (D.R.)

Un tel livre, que l’on pourrait nommer « Dictionnaire des peintres ardéchois », est l’affaire avant tout d’une personne. C’est Dominique Buis, de Privas, qui se lança dans cette entreprise. Cela occupa plus de quatre ans de sa vie. Diplômée de la Faculté des Lettres de Grenoble, elle fut avant tout psychologue. Voilà une précision utile, car pour gérer cette structure, outre des connaissances en art, une bonne dose de psychologie, dont un calme souverain dans les pires tempêtes – Dominique Buis aime aussi naviguer – ne fut pas superflu. Dominique Buis eut donc l’idée de ce livre. Elle le dirigea et le coordonna. Elle fit le choix d’un grand format carré – une rareté ! – et composa en partie la maquette. Au cours de ce long travail, elle eut pour assistante Marie-Jo Volle et Nathalie Garel. La psychologie ne fut pas non plus inutile à Dominique Buis pour encadrer une cinquantaine d’auteurs – dont la Galerie SR – qui construisirent, chacun à leur manière, selon leur style et leur caractère, un pan de l’édifice. Ce n’est plus une maison qui fut bâtie, mais un grand immeuble, où à chaque étage le goût et la décoration diffèrent. On ouvre une porte, et l’on a envie, ou non, d’entrer à l’intérieur. 

 

René Rochette,  Nuit de Noël, 1912, huile sur isorel, coll. Musée de Valence

 

Dans ce livre de trois-cents pages, et qui compte quatre cents cinquante illustrations, une centaine d’artistes sont ainsi étudiés. Ils sont peintres, dessinateurs ou graveurs. Parfois les trois à la fois. Tous ne gagnèrent pas leur vie grâce à leur art – certains n’en eurent d’ailleurs pas besoin –, mais tous pratiquèrent celui-ci avec sentiment et conviction. Comment ainsi ne pas leur rendre hommage ? Voilà qui est fait. 

 Un certain nombre d’artistes femmes font partie de l’ouvrage, dont Juliette Roche, Leonora Carrington et Jeanne Selmersheim-Desgranges, compagnes respectivement d’Albert Gleizes, Max Ernst et Paul Signac. L’intérêt réside également dans la découverte de peintres oubliés – comme le Valentinois René Rochette (1889-1923) ou l’Américain Roland Wehrheim, dit Bud Wehrheim, mais qui ont pourtant laissé une œuvre authentique et personnelle. Certains des artistes étudiés furent liés à des artistes majeurs, comme Camille de Soubeyran de Saint-Prix avec Gustave Courbet, ou Oscar Chelimsky, voisin et ami de Brancusi, impasse Ronsin, à Paris.

 

 

Roland Wehrheim - dit Bud Wehrheim - dans son atelier, Saint-Maurice-d'Ardèche        







Bud Wehrheim, Clytemnestre, 1965, coll. part. (D.R.)

Evoquons, enfin, le peintre norvégien Ludvig O. Ravensberg, dont le compatriote Edvard Munch fit le portrait. Ravensberg apprécia un temps la vie de château à Vernon. On le comprend.

 

Edvard Munch, Ravensberg, 1909, Musée Munch, Oslo

 
Ludvig O. Ravensberg, Etterstad, 1918, coll. particulière (D.R.)

 

Seuls les grands noms de l’art restent dans l’Histoire… de l’art. Nos mémoires collectives sont limitées. Grâce à ce genre d’ouvrage, des artistes de second ou troisième rang prennent à leur tour la lumière. Ce n’est que justice. Après la publication de cette « Bible » des peintres ardéchois, imprimée sur beau papier, il reste aux Drômois, de l’autre côté du Rhône, à relever le défi et à faire de même… Bon courage !

Pour en revenir à Ravensberg, quelques années plus tard, ce même château de Vernon fut fréquenté par un Président de la République, littéraire et voyageur, dont l’une des sœurs habitait le village. Mais qui donc ? La clé est dans l’ouvrage…

Lire : Peindre l’Ardèche, peindre en Ardèche, Editions Mémoire d’Ardèche et Temps Présent, 2022. Réédition en 2023. 

 

 

Galerie SR

16, rue de Tocqueville

75017 Paris

01 40 54 90 17

galerie.sr@gmail.com