vendredi 15 juin 2012

Retour aux fondamentaux : Rey-Millet, artiste emblématique de la Galerie SR

La Galerie SR n'a pas pour coutume d'organiser des expositions, mais choisit plutôt de présenter, et de vendre, des œuvres variées du siècle dernier. Aussi, après l'exposition BBMW (Barbier, Bru, Muron, Wagner), elle en revient, comme on le dit souvent dans le langage du sport, et notamment du rugby, à ses fondamentaux. S'il ne fallait choisir qu'un seul artiste, comme emblème de la galerie, ce serait sans hésiter Rey-Millet.

Constant Rey-Millet (1905-1959)


Constant Rey-Millet en Haute-Savoie, vers 1945.

Stéphane Rochette, qui dirige la galerie, appelle fréquemment ce peintre son "grand homme". Et, s'il ne se déclare spécialiste d'aucun artiste, il fait une exception pour lui. A la suite, par exemple, de Jean-Marie Dunoyer, Paul Gay, George Besson, Jean Leymarie ou encore Etiemble, il a souvent écrit sur Rey-Millet. On peut citer une étude parue en 2006 dans le Bulletin n° 25-26 des Amis de Ramuz : "Rey-Millet ou les Circonstances de la vie". Ainsi qu'une autre sur l'amitié entre le Savoyard Rey-Millet et l'écrivain suisse Ramuz, essai intitulé Ramuz chez Rey-Millet (Editions Les Amis de Ramuz, Tours, 2008). 


Ces différents textes tentent d'éclairer la vie et l’œuvre du peintre. On suit notamment ses questionnements, et ses recherches souvent difficiles, auxquels il s'est heurté tout au long de son parcours. On survole ses amitiés artistiques et littéraires qui, de Balthus à Giacometti, de Ramuz à Ponge, de Severini à Picasso, de Paulhan à Cingria, en passant par tant d'autres créateurs majeurs de son temps, ont accompagné la vie de ce natif de La Tour-en-Faucigny, en Haute-Savoie, mais qui vécut, également, dans l'aisance, à Paris. Cela lui permettait, par parenthèses, d'aider financièrement un ami peintre ou poète, momentanément dans la gêne.
Plusieurs périodes ont émaillé le parcours de l'artiste. trois principalement, dont on peut voir en permanence quelques exemples à la Galerie SR, proposés à la vente. Dans la première période, qui correspond à la fin des années 1920, et aux années 1930, sont représentés des scènes de genre, des natures mortes, quelques portraits. 

Constant Rey-Millet, La halte en montant au Môle, gouache, 19,5 x 23 cm, vers 1935.

Ce qu'il vit, et voit, quotidiennement dans son village, dans la campagne environnante, ou plus généralement dans sa Savoie natale, l'inspire en premier. Quelques influences sont tangibles, comme La Fresnaye, mais aussi deux artistes qu'il connaît bien : le Suisse Auberjonois, et l'Italien Severini qu'il reçoit chez lui, à La Tour. Le sommet de ces années-là est atteint lorsque Rey-Millet peint, en 1934-1935, à Saint-Jeoire-en-Faucigny, pour son ami le docteur Paul Gay (créateur de l'Art au Village), ce que l'on appelle Le Salon de Saint-Jeoire, qui consiste en six grandes huiles sur toile formant une décoration unique en Haute-Savoie. 

Rey-Millet, Le Salon de Saint-Jeoire, "Le Peintre et le Poète".



La deuxième période, très brève, mais plus originale et personnelle, est réalisée entre 1946 et 1948. L'artiste passe alors avec sa femme ses hivers en Floride, tout près d'un camp d'Indiens séminoles, dans les Everglades. Rey-Millet s'ennuie aux Etats-Unis, mais il trouve un certain réconfort auprès de ces Indiens à qui il rend visite et qui lui inspirent toute une série de gouaches, exécutées souvent sur papiers noirs, pour mieux faire ressortir l'éclat des couleurs vives qu'il emprunte notamment aux tisserands ou aux vanniers. Dans ses gouaches, Rey-Millet montre la vie quotidienne de ces Indiens, sans oublier de représenter les Chefs, en costumes d'apparat. Déraciné, et, au fond, malheureux en Amérique, il insère souvent des réminiscences de son pays natal, par la présence, par exemple, d'un ramoneur, souvenir prégnant de son enfance. Hélas ! les prémices de la maladie de Parkinson, qui frapperont l'artiste en 1949, à l'âge de quarante-quatre ans, arrêteront net son travail, et par là cette période dite "séminole", couronnée par une exposition à la Galerie Pierre, en 1947.

Constant Rey-Millet, L'atelier, gouache, 50 x 65 cm.

Dans les deux dernières années de sa vie, l'artiste reprend son activité créatrice. Aidé de son frère Jean, qui lui tient les feuilles de papier, il exécute des dessins aux crayons de couleurs aquarellés. Sentant sans doute la mort approcher, il se sent paradoxalement comme libéré. Il inclut alors tout un monde de personnage, d'animaux, de paysages ou d'objets, dans des scènes tantôt drôles, douces-amères, ou poétiques. Dans ce monde inventé, qui pourrait s'apparenter à un art brut jamais vu, seul l'artiste semble détenir la clé de ce qu'il veut nous dire. Mais, généreux de nature, il laisse la porte grande ouverte pour permettre à chacun de laisser libre cours à son imagination, et interpréter ainsi à sa manière toutes ces œuvres foisonnantes et colorées. 

Constant Rey-Millet, Le Vase bleu, 51 x 70 cm.


En janvier 1959, à l'âge de cinquante-trois ans, l'artiste s'éteint dans son village natal. Depuis, des expositions ont eu lieu, de manière plus ou moins régulières, notamment à Paris et en Haute-Savoie. La dernière s'est tenue en 2005 au Palais des congrès d'Evian-les-Bains, à l'occasion du centenaire de la naissance du peintre. 

Important : le recensement des œuvres de Rey-Millet

Depuis une douzaine d'années, la Galerie SR répertorie les œuvres de Constant Rey-Millet, et ce, en vue d'expositions ou de catalogues futurs. Si certaines personnes détiennent des travaux de ce peintre qui n'auraient pas été déjà référencés par la galerie, elles peuvent signaler leurs œuvres de Rey-Millet à Stéphane Rochette, qui les recensera, et les estimera même gratuitement, si tel est le souhait de leur propriétaire.

Couverture du catalogue de l'exposition Rey-Millet, Conservatoire d'art et d'histoire d'Annecy, 2000.



Galerie SR

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