La
Galerie SR présente quelques œuvres du peintre Mathieu Verdilhan (de son vrai
nom Louis-Mathieu Verdilhan), dont nous reproduisons ci-dessous une aquarelle.
Mathieu Verdihan, Cuirassés du port de Toulon, aquarelle |
Né à
Saint-Gilles-du-Gard en 1875, son destin est surtout attaché à la ville de
Marseille où il vécut de 1877 jusqu’à sa mort, en 1928. Entre temps, l’artiste
aura également habité dans plusieurs villes du Midi (Allauch, Aix-en-Provence,
Cassis, Toulon…), mais également à Paris où, dès 1895, il s’installe pendant un
an. Sachant qu’il est très difficile de percer sans l’aval de la capitale, il
aura souvent par la suite une adresse à Paris, mais toujours couplée avec une
autre adresse, provençale celle-là, qui montre bien son attachement
irréductible à sa région natale. Paris lui permettra de se lier avec quelques
grands créateurs, comme Antoine Bourdelle – qui soutint son travail –, mais
aussi d’exposer dans des galeries en vue, en compagnie d’artistes de renom.
Deux exemples : en 1909, chez Bernheim, aux côtés de Cross, Signac,
Vallotton, Bonnard et Vuillard ; en 1923, chez Bernheim jeune, en
compagnie de Pascin, Picasso, Severini, Signac, Survage, Utrillo, Valadon,
Valtat, Van Dongen, Vlaminck, Vuillard et Waroquier. S’il fallait ancrer
l’artiste dans une « école », ce serait celle des peintres fauves du
Midi. Et s’il fallait, sur une photographie, le placer à un rang, c’est aux
côtés des Charles Camoin, Auguste Chabaud, Alfred Lombard et René Seyssaud
qu’il conviendrait de l’installer, face à l’objectif.
Son
principal biographe, Daniel Chol, relève dans son ouvrage publié en 2005 aux Éditions Chol que « La peinture de
Mathieu Verdilhan s’enracine dans le terroir comme le fera l’écriture de
Giono ; saine, naturelle, dépouillée dans son alerte puissante, elle est
intemporelle, avec ses marins et ses paysans plombés d’un cerne noir comme les
saints des vitraux des églises, ces nefs stables et sécurisantes d’un moyen âge
secoué par les fléaux et les invasions migratoires. Giono, avec Albin, le héros
d’Un de Baumugnes, sera lui aussi en
parfaite communion avec cette âme populaire sans fard, avec cette inspiration
née de la terre, cette philosophie païenne de la vie et de la mort pleine
d’empathie panthéiste et cosmique. » D’autres artistes ont utilisé un
cerne noir, comme Marquet ou Rouault, qui, comme Mathieu Verdilhan,
dans ses peintures notamment, se sont servis de cette technique qui valorise, par
contraste, les teintes éclatantes posées par ailleurs.
Dans le
catalogue de son exposition L’Ecole
marseillaise, Jean-Paul Monery, conservateur du musée de l’Annonciade, à
Saint-Tropez, écrit en 2013 à propos de Mathieu Verdilhan que « le port de Marseille est très souvent
représenté avec dépouillement dans un style très personnel où diagonales et
verticales rythment la composition ».
Même
s’il s’agit plutôt, dans l’aquarelle reproduite ici, de cuirassés du port de
Toulon, les termes « dépouillement »
et « style très personnel »
s’appliquent parfaitement à cette œuvre. Nous ajouterions juste le mot
originalité qui est souvent la marque de ce peintre. Il fallait quand même
oser, vers 1915, styliser à l’extrême ces bateaux, pour en faire, par l’épure,
des sortes de jouets d’enfants. Il fallait être un peu moderne – nous n’irons
pas jusqu’à employer le terme d’avant-garde – pour simplifier à l’extrême ces
collines, qui ne tiennent que par le support de la couleur, et pas n’importe
quelles couleurs : un ocre clair, un ocre marron, et surtout un bleu
turquoise qui domine le lieu et donne un tour incroyablement original à cette
aquarelle. Enfin, assez unique également est cette manière, ultra personnelle,
de traiter la mer, verte, et le ciel, bleu, par hachures verticales savamment posées
sur le papier – et avec légèreté. La composition, qui semble un peu enfantine,
est en réalité savamment construite par l’artiste, qui offre là quelque chose
de véritablement singulier.
Si nous
élargissions, mais réduisions aussi peut-être un peu la portée de l’artiste,
nous pourrions le comparer à un peintre breton, un peu plus jeune que
lui, nommé Pierre de Belay (1890-1947). On retrouve chez le peintre de
Quimper ce même cerne noir, ces mêmes sujets portuaires, mais avec plus de
modernité, d’audace et de personnalité chez Mathieu Verdilhan. Cependant, une
exposition présentant conjointement ces deux artistes ne manquerait sans doute
pas d’intérêt. Ce serait une occasion de faire se rencontrer, un temps,les
ports du Midi avec ceux de Bretagne, à travers deux peintres fidèles à leurs
origines, mais dont l’art dépasse les points d’amarrage de chacun. Avis aux
amateurs !
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