Chacun a
sa madeleine de Proust. La nôtre se nomme Saint-Tropez. Tous les souvenirs
d’enfance et de jeunesse sont là – enfin ceux des grandes vacances, les seuls
qui restent durablement en mémoire. Tout n’était que joie, distractions
agréables, soleil permanent, partie de tennis sur courts en terre battue, plages
où l’on passait une grande partie de son temps.
Saint-Tropez
avait un charme fou, et une population folle. On s’y amusait.
Choses et Vachon faisaient la mode de l’été. On
appréciait les tartares au Gorille, il était déjà difficile de trouver une
chaise rouge chez Sénéquier. On achetait les journaux sur le port, à la Maison de
la Presse, et les livres chez la libraire de l’étroite rue Clémenceau. On
dînait place des Lices, au milieu d’inconnus ou de gens célèbres…
Bleu, blanc, rouge, devant Sénéquier |
Mais Saint-Tropez,
c’est aussi – en cela rien n’a changé – le musée de l’Annonciade. Impensable de
venir ici – deux heures, deux jours ou
deux mois – sans s’y arrêter. Installé dans une ancienne chapelle, à l’entrée
du port, un peu en retrait, il a bénéficié depuis sa création de nombreuses donations
à commencer par celle du collectionneur Georges Grammont, amateur de toiles
fauves, nabis et divisionnistes. Où mieux qu’à l’Annonciade peut-on voir les
œuvres de Signac, Bonnard, Vuillard, Maillol, Matisse, Marquet, Derain,
Vlaminck, Van Dongen… ? Depuis Grammont, grâce à d’autres dons, mais aussi
à des achats pertinents, soutenus par la commune, ce musée compte l’une des
plus belles collections d’art moderne de France. Il faut donc un conservateur
amoureux de cette période artistique, et capable de la mettre en valeur. Ce fut
le cas ces dernières années, grâce à l’œil, aux connaissances, et à « l’amour
de l’art » du conservateur Jean-Paul Monery, qui vient de signer sa
dernière exposition, après vingt-six années mises au profit du rayonnement de
la ville de Saint-Tropez, via son musée municipal.
Jean-Paul Monery dans le jardin du musée de l'Annonciade, 10 juin 2017 |
En
septembre 1991, après le musée de Grenoble, Jean-Paul Monery prit les fonctions
du musée de l’Annonciade. Il étudia, comme il se doit, les collections dont il
avait la charge, et consacra sa première exposition à Paul Signac, qui avait
découvert la cité varoise cent ans auparavant. Après cette entrée en matière,
qui rendait hommage au plus célèbre des artistes tropéziens d’adoption, il
continua à proposer aux autochtones, mais aussi aux touristes amateurs d’art
venant du monde entier, des expositions, souvent monographiques, qui mirent en
avant le travail de chacun des peintres de la collection du musée. Monter ces
expositions aura demandé un travail acharné, ce qu’accomplit Jean-Paul Monery
avec le sourire, et toujours une aisance apparente. Vingt-six ans conservateur
au musée de l’Annonciade, une cinquantaine d’expositions organisées, presque
autant de catalogues publiés, n’est-ce pas là une tâche accomplie qui mérite
une Légion d’honneur ? Pour nous, si !
Le musée de l'Annonciade, Saint-Tropez |
Le samedi
10 juin 2017 eut lieu l’inauguration de la dernière exposition organisée par
Jean-Paul Monery :
« Georges
Braque et Henri Laurens, quarante années d’amitié ».
A 12 h 30,
devant l’entrée du musée, le maire de la ville, Jean-Pierre Tuvéri, lut un
discours consacré au peintre Braque et au sculpteur Laurens. Après cette entrée
en matière, il eut surtout des mots très amicaux et reconnaissants envers
« son » conservateur qui quittait la place pour la laisser à son
successeur, fin septembre. Le maire démontra combien ce conservateur avait marqué
la ville de son empreinte. Puis, Jean-Paul Monery prit la parole pour
expliquer, avec brio et émotion, son ultime accrochage. La foule, attentive,
gagna ensuite l’intérieur du musée pour découvrir les toiles et les bronzes des
deux maîtres.
Henri Laurens, Femme à l'éventail, 1919 |
Georges Braque, Nature morte cubiste, 1921 |
L’accrochage
des peintures et la présentation des sculptures montrent une subtile alchimie
entre les œuvres, qui se mettent en valeur l’une l’autre. La présentation est
parfaite, limpide, évidente. Pour qui aime ces deux artistes, l’émotion est
grande. Nul doute que Braque comme Laurens auraient été heureux de cette
« rencontre » entre leurs travaux !
Quand Braque rencontre Laurens... |
Une belle
exposition n’est vraiment belle que si un beau catalogue l’accompagne. Sinon,
une fois décrochée, plus rien n’a existé – ou presque. Tout n’était que rêve.
Là, le rêve se prolonge grâce au catalogue de grand format, dans lequel une
soixantaine d’œuvres sont bien reproduites. Un texte préliminaire permet
d’appréhender ces quatre décennies d’amitié. En fin d’ouvrage, un tableau
chronologique montre, en parallèle, la vie et la création de Georges Braque et
d’Henri Laurens, depuis leur naissance jusqu’à leur décès. Une « Histoire
de l’art » en soi. Une iconographie en sépia nous plonge dans l’époque et
nous place aux côtés des deux grands hommes.
Catalogue de l'exposition Georges Braque et Henri Laurens, L'Annonciade, musée de Saint-Tropez, 2017 |
Après cette
belle « dernière », il reste à Jean-Paul Monery à profiter de la vie,
avec notamment sa famille et ses nombreux amis. On sait aussi que la visite d’expositions
d’art contemporain sera à son programme – c’est un grand amateur – tout comme
la lecture de beaux textes, et peut-être même l’écriture d’un ouvrage, dont le
titre serait : « J’ai été conservateur du musée de Saint-Tropez ».
« Georges
Braque et Henri Laurens, quarante années d’amitié »
Du 10 juin
au 8 octobre 2017
Musée
de l’Annonciade, Saint-Tropez
Tous les
jours, sauf le lundi
Téléphone :
04 94 17 84 10
Catalogue :
25 €.
Galerie SR
16, rue de Tocqueville
75017 Paris
01 40 54 90 17
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