vendredi 19 août 2016

Eckersberg, Lurçat, Savitry et Viseux : suivez le guide !

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Parmi les innombrables expositions que Paris et sa région proposent en permanence, dont nous ne voyons malheureusement pas le quart, faute de temps, quatre artistes sont mis à l’honneur en ce moment… ou presque ! 

C.-W. Eckersberg, Une pergola, 1814-1816


La Fondation Custodia, rue de Lille, a proposé ces mois derniers la première exposition monographique consacrée à celui qui fut peut-être le plus grand peintre danois du XIXe siècle : Christoffer Wilhelm Eckersberg (1783-1853). Un autre peintre danois, bien connu celui-là, et que nous admirons tant, Vilhelm Hammershoi (1864-1916), vient, chronologiquement, après Eckesberg. Nous nous souvenons d’ailleurs fort bien de l’exposition Hammershoi à Orsay, et de son inauguration, avec la reine du Danemark, le prince Henrik, sympathique et jovial, coupe de champagne en main, Stéphane Audran… Les amateurs d’art avaient découvert cet artiste, ignoré jusqu’alors en France. Pour Eckersberg, la « gloire » acquise dans notre pays datera de 2016, grâce à la rétrospective (peintures et dessins) proposée à la Fondation Custodia. Il y avait eu, en France, un avant et un après Orsay, pour la connaissance de l’œuvre d’Hammershoi. Il y aura, désormais, pour Eckersberg, un avant et un après Fondation Custodia. 

C.-W. Eckersberg, La Grille de Longchamp au Bois de Boulogne, 1812

Portraits classiques ou allégoriques, scènes de genre observées jusque dans les moindres détails, nus somptueux, voluptueux et audacieux, marines un peu plus raides, mais si belle lumière qui se pose sur chaque être, chaque objet, chaque fragment de paysage, grâce à une palette variée, douce et lumineuse à la fois. Nous aimerions pouvoir dire en danois : Félicitations, M. Eckersberg !



Nous avons évoqué, dans un ancien message du blog, le si bel atelier-musée de Jean Lurçat situé dans le Lot, à Saint-Céré. Qui ne l’a pas visité doit un jour prévoir un voyage dans cette région pour mieux comprendre cette vie dédiée à tant de formes d’art, que fut celle de Jean Lurçat. La leçon marque pour toujours. 

Jean Lurçat, Tapis, Manufacture de la Savonnerie, Paris, 1960


Aujourd’hui, pour célébrer le cinquantenaire de sa mort, une grande exposition Lurçat (1892-1966), se tient aux Gobelins (Métro Gobelins), jusqu’au 18 septembre 2016. O combien méritée, elle est montée par des amoureux de son œuvre, qui en connaissent chaque facette, chaque recoin. Peintures, gouaches, livres illustrés, tapisseries, mobilier, tapis, céramiques… rien n’échappait à l’œil ni à la main de Lurçat, qui voulait tout embrasser dans sa boulimie créative. 
Jean Lurçat, projet pour une causeuse, gouache, 1937



Œuvre souvent très belle, généreuse, poétique, flamboyante, raffinée, même si quelques influences, comme celle de Picasso en premier, se devinent de-ci de-là. Le catalogue est à l’image de l’exposition, c’est-à-dire un modèle du genre. Pour qui souhaiterait connaître la vie et l’œuvre de cet artiste, cet ouvrage est là pour combler ce désir.









Son véritable nom est Dupont. Fils de Félix Dupont et de Cécile Audra, il a pourtant des traits asiatiques. Né à Saïgon en 1903, mort à Paris en 1967, il ne vivra pas en Indochine, mais bien en France où il fera, au début des années 1920, l’école des beaux-arts de Valence. Si, à l’origine, il se veut peintre, il deviendra célèbre par la photographie (tout en ayant laissé une œuvre de peintre également). Après la Drôme, viendra Paris… Logique ! Montparnasse est son  quartier de prédilection. C’est précisément dans cette partie de la ville, dont le passé artistique et littéraire n’est plus à vanter, qu’est situé le Musée Mendjisky-Ecoles de Paris (square de Vergennes, métro Vaugirard) où se tient, jusqu’au 5 octobre 2016, la très belle exposition d’un photographe, non pas connu sous le nom de Dupont, mais d’Emile Savitry.

La galerie SR propose une photographie de cet artiste. Elle aurait pu figurer à l’exposition. Elle représente une personnalité célèbre, notamment dans les années 1930. Il faut franchir le pas de la galerie pour découvrir l’image, et connaître ainsi le nom de l’artiste représenté « sous les feux de la rampe », dirons-nous, par Savitry.

Amis des artistes et des poètes, Savitry les représentera dans de nombreux portraits, pleins d’humanité. Jamais d’esbroufe, mais une simplicité dans la recherche qui permet d’aller à l’essentiel, du côté le plus précieux que peut dégager un regard, un geste. Colette ou Prévert, Brauner ou Marcel Jean affirment leur présence dans des poses où l’attitude exprime un silence, une solitude. Les masques tombent, chez Savitry. Le photographe apprécie également le monde du jazz, du cirque. Claude Luther donne tout ce qu’il peut avec sa clarinette, Django Reinhardt a les yeux d’un doux animal, Stéphane Grappelli l’assurance de sa jeunesse. Parmi ces images, uniquement en noir et blanc, un ensemble représentant Paris la nuit montre l’étendue de l’imagination de l’artiste. Cafés ou caves animés, apaches en compagnie de leur protégée, quais de Seine presque désertés,noire prison de la Santé trouée de faibles halos de lumière. 

Emile Savitry, Paris, brumes nocturnes

L’exposition, très complète, donne enfin à voir les images du tournage de La Fleur de l’âge, film inachevé de Marcel Carné. Réalisé à Belle-Ile-en-Mer en 1947, ce film, que le cinéaste jugea raté – et qui le fâcha en partie avec son dialoguiste Jacques Prévert – offrait pourtant une distribution de premier plan avec les très jeunes Anouk Aimée et Serge Reggiani, mais aussi Arletty, Martine Carol, Jean Tissier, Paul Meurisse… De cette aventure, qui tourna court, seules les photographies des comédiens, du metteur en scène, du dialoguiste et des techniciens, prises alors en décor naturel par Emile Savitry, atténuent ce sentiment d’échec pour constituer aujourd’hui, à l’inverse, un témoignage fort et unique. 
Emile Savitry, Anouk Aimée et son chat Tulipe, Belle-Ile, 1947
Emile Savitry, Serge Reggiani, Belle-Ile, 1947





Un ouvrage intitulé Emile Savitry, un photographe de Montparnasse, est en vente sur le lieu de l’exposition. Publié en 2011 à l’occasion d’une exposition Savitry qui se tint alors au musée de l’Illustration de Valencia, en Espagne, ainsi qu’au musée de l’Abbaye Sainte-Croix des Sables-d’Olonne, il reste comme un document parfait sur l’artiste.








Au XXe siècle, il y eut, par exemple, Pol Bury ou Albert Féraud, comme sculpteurs de l’acier. Il y eut aussi Claude Viseux (1927-2008), qui aura laissé lui aussi une trace ineffaçable.

Claude Viseux, sculpture en acier inoxydable

 Beaucoup de musées de la région parisienne se sont rénovés ces dernières années pour devenir des lieux d’exposition dignes de ce nom. Il en est ainsi du Musée d’art et d’histoire Louis-Senlecq, situé à L’Isle-Adam, dans le Val d’Oise (50 minutes de la gare du Nord en Transilien). La directrice du musée, Caroline Oliveira, a eu la bonne idée de présenter cet été (jusqu’au 25 septembre 2016) une exposition consacrée à Claude Viseux, né tout près, à Champagne-sur-Oise. L’épouse de l’artiste, Mme Micheline Viseux, par ses prêts, a contribué grandement à la réussite de cette présentation. Dans l’œuvre du créateur on remarque avant tout les sculptures. Celles des années 1960, en acier inoxydable, les plus célèbres et recherchées des amateurs, ont notre préférence. Mais celles faites plus tardivement, en Inde, par exemple, montrent un renouvellement bien maîtrisé par Claude Viseux. L’artiste a également réalisé de nombreux collages. Nous n’avons jamais été vraiment amateur de cette forme artistique, souvent un peu facile, mais Viseux parvient à intéresser par les formes simples et directes qu’il compose sur ses papiers. 

Claude Viseux, Trois Instables, collage sur papier, 1977

Un court métrage sur le travail de Viseux est projeté dans l’exposition. Soutenu par une musique de Pierre Henry il est une œuvre d’art en soi à ne pas manquer. Pas de doute, nous sommes en pleine folie hallucinante des années 1970. Un autre film sur Claude Viseux, un documentaire cette fois, est aussi d’un grand intérêt pour comprendre l’esprit que le sculpteur voulut insuffler à son art, dans ses œuvres monumentales comme dans ses pièces plus réduites.
Musée Louis-Senlecq, L'Isle-Adam


Un catalogue, bien fait, en vente à l’accueil (fort aimable) du musée garantit la pérennité de ce moment Viseux à L’Isle-Adam.


Trois musées de la région parisienne se sont associés ces mois derniers pour présenter une exposition conjointe dont le thème était la Seine. Ces « Belles boucles de la Seine » étaient visibles dans les musées d’Issy-les-Moulineaux, de Meudon et de Sceaux. Trois accrochages agréables, que nous vîmes, montrant des bords de Seine, au XIXe siècle, peints par des « petits maîtres », on ne peut plus délicieux ou charmants, des artistes de Barbizon, des Impressionnistes, des Divisionnistes… Le succès est toujours au rendez-vous pour une telle peinture, qui touche tout un chacun.

Plus difficile est d’intéresser à la sculpture, qui attire en général moins de public. Plus difficile est de présenter un artiste comme Claude Viseux, dont le nom restera dans l’histoire de l’art, malgré un travail apprécié, pour l’instant, surtout des spécialistes. Il faut donc saluer cette initiative audacieuse, et ambitieuse, que prend le musée de L’Isle-Adam en présentant l’œuvre de Claude Viseux. Le risque paye souvent. Allons flâner à L'Isle-Adam...

L'Isle-Adam, Bords de l'Oise





L'Isle-Adam, Bords de l'Oise



 

Galerie SR
16, rue de Tocqueville
75017 Paris
01 40 54 90 17


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