Parmi les innombrables expositions que Paris et sa région
proposent en permanence, dont nous ne voyons malheureusement pas le quart,
faute de temps, quatre artistes sont mis à l’honneur en ce moment… ou
presque !
C.-W. Eckersberg, Une pergola, 1814-1816 |
La Fondation Custodia, rue de Lille, a proposé ces
mois derniers la première exposition monographique consacrée à celui qui fut peut-être
le plus grand peintre danois du XIXe siècle : Christoffer
Wilhelm Eckersberg (1783-1853). Un autre peintre danois, bien connu celui-là,
et que nous admirons tant, Vilhelm Hammershoi (1864-1916), vient,
chronologiquement, après Eckesberg. Nous nous souvenons d’ailleurs fort bien de
l’exposition Hammershoi à Orsay, et de son inauguration, avec la reine du
Danemark, le prince Henrik, sympathique et jovial, coupe de champagne en main, Stéphane
Audran… Les amateurs d’art avaient découvert cet artiste, ignoré jusqu’alors en
France. Pour Eckersberg, la « gloire » acquise dans notre pays datera
de 2016, grâce à la rétrospective (peintures et dessins) proposée à la Fondation
Custodia. Il y avait eu, en France, un avant et un après Orsay, pour la
connaissance de l’œuvre d’Hammershoi. Il y aura, désormais, pour Eckersberg, un
avant et un après Fondation Custodia.
C.-W. Eckersberg, La Grille de Longchamp au Bois de Boulogne, 1812 |
Portraits classiques ou allégoriques, scènes de genre
observées jusque dans les moindres détails, nus somptueux, voluptueux et
audacieux, marines un peu plus raides, mais si belle lumière qui se pose sur
chaque être, chaque objet, chaque fragment de paysage, grâce à une palette
variée, douce et lumineuse à la fois. Nous aimerions pouvoir dire en
danois : Félicitations, M. Eckersberg !
Nous avons évoqué, dans un ancien message du blog, le si bel
atelier-musée de Jean Lurçat situé dans le Lot, à Saint-Céré. Qui ne l’a pas
visité doit un jour prévoir un voyage dans cette région pour mieux comprendre
cette vie dédiée à tant de formes d’art, que fut celle de Jean Lurçat. La leçon
marque pour toujours.
Jean Lurçat, Tapis, Manufacture de la Savonnerie, Paris, 1960 |
Aujourd’hui, pour célébrer le cinquantenaire de sa mort, une grande exposition Lurçat (1892-1966), se tient aux Gobelins (Métro Gobelins), jusqu’au 18 septembre 2016. O combien méritée, elle est montée par des amoureux de son œuvre, qui en connaissent chaque facette, chaque recoin. Peintures, gouaches, livres illustrés, tapisseries, mobilier, tapis, céramiques… rien n’échappait à l’œil ni à la main de Lurçat, qui voulait tout embrasser dans sa boulimie créative.
Jean Lurçat, projet pour une causeuse, gouache, 1937 |
Œuvre souvent très belle, généreuse, poétique, flamboyante,
raffinée, même si quelques influences, comme celle de Picasso en premier, se
devinent de-ci de-là. Le catalogue est à l’image de l’exposition, c’est-à-dire
un modèle du genre. Pour qui souhaiterait connaître la vie et l’œuvre de cet
artiste, cet ouvrage est là pour combler ce désir.
Son véritable nom est Dupont. Fils de Félix Dupont et de
Cécile Audra, il a pourtant des traits asiatiques. Né à Saïgon en 1903, mort à
Paris en 1967, il ne vivra pas en Indochine, mais bien en France où il fera, au
début des années 1920, l’école des beaux-arts de Valence. Si, à l’origine, il
se veut peintre, il deviendra célèbre par la photographie (tout en ayant laissé
une œuvre de peintre également). Après la Drôme, viendra Paris… Logique !
Montparnasse est son quartier de
prédilection. C’est précisément dans cette partie de la ville, dont le passé
artistique et littéraire n’est plus à vanter, qu’est situé le Musée
Mendjisky-Ecoles de Paris (square de Vergennes, métro Vaugirard) où se tient,
jusqu’au 5 octobre 2016, la très belle exposition d’un photographe, non pas
connu sous le nom de Dupont, mais d’Emile Savitry.
La galerie SR propose une photographie de cet artiste. Elle
aurait pu figurer à l’exposition. Elle représente une personnalité célèbre,
notamment dans les années 1930. Il faut franchir le pas de la galerie pour
découvrir l’image, et connaître ainsi le nom de l’artiste représenté
« sous les feux de la rampe », dirons-nous, par Savitry.
Amis des artistes et des poètes, Savitry les représentera
dans de nombreux portraits, pleins d’humanité. Jamais d’esbroufe, mais une
simplicité dans la recherche qui permet d’aller à l’essentiel, du côté le plus
précieux que peut dégager un regard, un geste. Colette ou Prévert, Brauner ou
Marcel Jean affirment leur présence dans des poses où l’attitude exprime un
silence, une solitude. Les masques tombent, chez Savitry. Le photographe
apprécie également le monde du jazz, du cirque. Claude Luther donne tout ce
qu’il peut avec sa clarinette, Django Reinhardt a les yeux d’un doux animal,
Stéphane Grappelli l’assurance de sa jeunesse. Parmi ces images, uniquement en
noir et blanc, un ensemble représentant Paris la nuit montre l’étendue de
l’imagination de l’artiste. Cafés ou caves animés, apaches en compagnie de leur
protégée, quais de Seine presque désertés,noire prison de la Santé trouée de
faibles halos de lumière.
Emile Savitry, Paris, brumes nocturnes |
L’exposition, très complète, donne enfin à voir les images
du tournage de La Fleur de l’âge,
film inachevé de Marcel Carné. Réalisé à Belle-Ile-en-Mer en 1947, ce film, que
le cinéaste jugea raté – et qui le fâcha en partie avec son dialoguiste Jacques
Prévert – offrait pourtant une distribution de premier plan avec les très
jeunes Anouk Aimée et Serge Reggiani, mais aussi Arletty, Martine Carol, Jean
Tissier, Paul Meurisse… De cette aventure, qui tourna court, seules les photographies
des comédiens, du metteur en scène, du dialoguiste et des techniciens, prises
alors en décor naturel par Emile Savitry, atténuent ce sentiment d’échec pour
constituer aujourd’hui, à l’inverse, un témoignage fort et unique.
Emile Savitry, Anouk Aimée et son chat Tulipe, Belle-Ile, 1947 |
Emile Savitry, Serge Reggiani, Belle-Ile, 1947 |
Un ouvrage intitulé Emile
Savitry, un photographe de Montparnasse, est en vente sur le lieu de
l’exposition. Publié en 2011 à l’occasion d’une exposition Savitry qui se tint
alors au musée de l’Illustration de Valencia, en Espagne, ainsi qu’au musée de
l’Abbaye Sainte-Croix des Sables-d’Olonne, il reste comme un document parfait
sur l’artiste.
Au XXe siècle, il y eut, par exemple, Pol Bury ou
Albert Féraud, comme sculpteurs de l’acier. Il y eut aussi Claude Viseux
(1927-2008), qui aura laissé lui aussi une trace ineffaçable.
Claude Viseux, sculpture en acier inoxydable |
Beaucoup de musées de
la région parisienne se sont rénovés ces dernières années pour devenir des
lieux d’exposition dignes de ce nom. Il en est ainsi du Musée d’art et d’histoire
Louis-Senlecq, situé à L’Isle-Adam, dans le Val d’Oise (50 minutes de la gare
du Nord en Transilien). La directrice du musée, Caroline Oliveira, a eu la
bonne idée de présenter cet été (jusqu’au 25 septembre 2016) une
exposition consacrée à Claude Viseux, né tout près, à Champagne-sur-Oise.
L’épouse de l’artiste, Mme Micheline Viseux, par ses prêts, a contribué
grandement à la réussite de cette présentation. Dans l’œuvre du créateur on
remarque avant tout les sculptures. Celles des années 1960, en acier
inoxydable, les plus célèbres et recherchées des amateurs, ont notre préférence.
Mais celles faites plus tardivement, en Inde, par exemple, montrent un
renouvellement bien maîtrisé par Claude Viseux. L’artiste a également réalisé
de nombreux collages. Nous n’avons jamais été vraiment amateur de cette forme
artistique, souvent un peu facile, mais Viseux parvient à intéresser par les
formes simples et directes qu’il compose sur ses papiers.
Claude Viseux, Trois Instables, collage sur papier, 1977 |
Un court métrage sur le travail de Viseux est projeté dans
l’exposition. Soutenu par une musique de Pierre Henry il est une œuvre d’art en
soi à ne pas manquer. Pas de doute, nous sommes en pleine folie hallucinante des
années 1970. Un autre film sur Claude Viseux, un documentaire cette fois, est
aussi d’un grand intérêt pour comprendre l’esprit que le sculpteur voulut
insuffler à son art, dans ses œuvres monumentales comme dans ses pièces plus
réduites.
Musée Louis-Senlecq, L'Isle-Adam |
Un catalogue, bien fait, en vente à l’accueil (fort aimable)
du musée garantit la pérennité de ce moment Viseux à L’Isle-Adam.
Trois musées de la région parisienne se sont associés ces
mois derniers pour présenter une exposition conjointe dont le thème était la
Seine. Ces « Belles boucles de la Seine » étaient visibles dans les
musées d’Issy-les-Moulineaux, de Meudon et de Sceaux. Trois accrochages
agréables, que nous vîmes, montrant des bords de Seine, au XIXe
siècle, peints par des « petits maîtres », on ne peut plus délicieux
ou charmants, des artistes de Barbizon, des Impressionnistes, des
Divisionnistes… Le succès est toujours au rendez-vous pour une telle peinture,
qui touche tout un chacun.
Plus difficile est d’intéresser à la sculpture, qui attire
en général moins de public. Plus difficile est de présenter un artiste comme
Claude Viseux, dont le nom restera dans l’histoire de l’art, malgré un travail
apprécié, pour l’instant, surtout des spécialistes. Il faut donc saluer cette
initiative audacieuse, et ambitieuse, que prend le musée de L’Isle-Adam en
présentant l’œuvre de Claude Viseux. Le risque paye souvent. Allons flâner à L'Isle-Adam...
L'Isle-Adam, Bords de l'Oise |
Galerie SR
16, rue de Tocqueville
75017 Paris
01 40 54 90 17
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