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L'écrivain Jacques Doucet (1922-2018) |
Nous avions l’habitude
de le retrouver chez lui, à La Baule, dans son appartement de l’avenue du Maréchal
Joffre. Il habitait à la fois près de la gare, du grand marché couvert, de
l’avenue principale, qui porte le nom du général de Gaulle, mais aussi d’un hôtel
où il est agréable de descendre quand on est tenté par quelques jours de
vacances. Il vivait également non loin du remblai et de cette baie immense
qu’il ne cessa d’admirer. Car il était fait pour admirer, et pour s’émerveiller.
En cela, il était l’incarnation même du poète.
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La plage de La Baule |
La presse régionale (La Baule +, Ouest-France, Presse Océan) l’a évoqué. L’écrivain Jacques
Doucet s’est éteint le 8 janvier 2018 à Guérande, où il repose. Né le 7 février
1922 à Vierzon, dans le Cher, il avait 95 ans. Hormis les dix derniers jours de
sa vie, il vécut, plutôt en bonne santé, dans son deux pièces ensoleillé. Même
si de rares amis, ou voisins, venaient lui rendre visite, il avait un
tempérament solitaire, et un caractère heureux.
Le nom Jacques Doucet peut
susciter la confusion, davantage que la rivalité. On pense au couturier-mécène.
On pense au peintre du mouvement Cobra. Lui, celui que nous connaissions, c’était
le poète, c’était l’essayiste, c’était ce merveilleux auteur de rares livres,
précieux dans une bibliothèque ou sur une table de chevet.
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Jacques Doucet, La Vue seconde, "Alcarazas", Seghers, 1950 |
Son entrée en littérature fut remarquée, avec notamment deux
recueils de poésie soutenus par la critique : Lustrales (Portes de France, Prix Paul-Valéry 1945) et La Vue seconde (Seghers, 1950). Au cours
de cette période de l’après-guerre, il
publia aussi des poèmes dans des revues, qui comptaient alors, comme Poésie 45, L’éternelle revue, Les Cahiers
du Sud, Europe, Le Point… Il se définissait comme un
poète lyrique, qui aurait aimé vivre au temps des poètes fantaisistes (Jean-Marc
Bernard, Francis Carco, Tristan Derème, Paul-Jean Toulet…), pour faire partie
de ce groupe.
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Jacques Doucet, La Vue seconde, "Chanson de l'eau qui court", Seghers, 1950 |
Jusque dans les années
1970, Jacques Doucet fréquenta à Paris quelques-uns des écrivains et poètes
les plus importants de cette époque, à commencer par Aragon et Eluard, qu’il
place au plus haut, mais aussi Marcel Arland, Pierre Seghers, Claude Roy… Ces
rencontres lui inspireront un ouvrage, intitulé Croquis lyriques (Alizés, 2001), grâce auquel il fait pénétrer le
lecteur dans l’intimité de ces êtres admirés – compagnons de son existence. Des
recherches importantes le conduiront à publier aussi un essai très documenté,
intitulé Apollinaire à La Baule
(Alizés, 2000), livre salué notamment par Michel Déon. S’en suivra un Marie de Régnier à La Baule (Sokrys,
2012).
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Jacques Doucet, Apollinaire à La Baule, Alizés, 2000 |
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Jacques Doucet, Marie de Régnier à La Baule, Sokrys, 2012 |
Toute sa vie, Jacques Doucet vécut modestement. A Paris, il
exerça divers métiers qui ne correspondaient pas à ses aspirations profondes. Lorsqu’il
s’installa à La Baule, en 1989, et malgré une maigre retraite, il goûta
pleinement sa nouvelle vie en province. Le choix de La Baule fut pour lui une
évidence. Il avait fréquenté le lieu avec ses parents et ses deux sœurs dès sa
plus tendre enfance, avant d’y séjourner chaque année en vacances. Il pouvait
désormais y vivre pleinement. Il aimait à l’infini se promener à pied, tantôt côté
océan, tantôt côté pins, parmi les myriades de villas, qu’il admirait.
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Villa dans la pinède de La Baule |
Dans sa vie bauloise, bien organisée, Jacques Doucet
consacra, jusqu’à la fin de ses jours, une partie de son temps à l’écriture.
Cela se passait le matin. De nouveaux textes apparaissaient, tous
autobiographiques. D’autres essais, sur son enfance et sa jeunesse dans le
Berry, ou sur son « amour » pour La Baule, étaient travaillés et
retravaillés à l’infini. Une manière parfaite de revivre sans cesse quelques-uns
des moments heureux de sa vie. Il composa aussi quelques
« portraits ». L’un sur son ami Henri Pichette – qui lui fit
connaître Gérard Philipe. L’autre sur son amie Denise Jallais, née à
Saint-Nazaire, qu’il avait été le premier à encourager, remarquant d’emblée son
talent de poétesse et d’écrivain. Il ne s’était pas trompé.
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Jacques Doucet, La Vue seconde, Seghers, 1950 |
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Denise Jallais, L'arbre et la terre, Seghers, 1954 |
Tout en aimant profondément la vie, Jacques Doucet, dans son
appartement de l’avenue du Maréchal Joffre, vivait un peu hors du temps. Son
monde, clos, était avant tout constitué des livres de sa bibliothèque – dont
certains avec envois prestigieux –, des correspondances échangées avec ses
pairs écrivains, des dossiers littéraires patiemment assemblés sur ses auteurs
préférés, enfin de ses propres écrits, dont beaucoup sont restés inédits. Il
pouvait parler, des heures durant, littérature.
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L'écrivain Jacques Doucet chez lui, à La Baule, 2017 |
Après consultation de ses archives, chez lui, à La Baule, la
Bibliothèque nationale de France estima qu’il était possible de préserver en
partie ce monde, en constituant un « Fonds Jacques Doucet ». Peu
avant sa mort, le poète accepta cette idée, car il savait l’honneur qui lui
était fait. A présent, le site « Richelieu » de la Bibliothèque
nationale conserve un « Fonds Jacques Doucet ». Il est consultable
sur demande. Comme une consécration pour ce poète-ami qui dédia sa vie à la
littérature.
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La plage de La Baule |
Galerie SR
16, rue de Tocqueville
75017 Paris
01 40 54 90 17
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